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CORRESPONDANCE.

monseigneur vient à Paris passer six semaines, et partager son temps entre les affaires et les plaisirs ; ensuite il court dans le royaume du prince Noir[1] pour le reste de l’année, et je ne puis alors recourir aux lois, du fond de mes déserts des Alpes.

On m’a mandé que vous aviez abandonné tout net le département dudit tripot ; alors je me suis adressé à M. le duc de Duras, afin que mes prières ne sortissent point de la famille.

On m’a fait un grand crime dans Paris, c’est-à-dire parmi sept ou huit personnes de Paris, d’avoir ôté un rôle à Mlle Durancy, pour le donner à Mlle Dubois. Le fait est que j’ai écrit une lettre de politesse et de plaisanterie à Mlle Dubois, et qu’il m’est très-indifférent par qui tous mes pauvres rôles soient joués. Je ne connais aucune actrice. Le bruit public est que le c… de Mlle Durancy n’est ni si blanc ni si ferme que celui de Mlle Dubois ; je m’en rapporte aux connaisseurs, et je n’ai acception de personne.

Vous ne connaissez pas d’ailleurs ma déplorable situation. Si j’avais l’honneur de vous entretenir seulement un quart d’heure, mon héros poufferait de rire. Il sait ce que c’est que l’absence, et combien on dépend quand on est à cent lieues de son tripot ; mais il sait aussi que je voudrais ne dépendre que de lui, et que c’est à lui que je suis attaché jusqu’au dernier moment de ma vie.

À l’égard du jeune homme[2] dont vous avez eu la bonté de me renvoyer la lettre, il est vrai que c’est un des seigneurs les mieux mis et les plus brillants. J’ai peur que sa magnificence ne lui coûte de tristes moments. Je ne me mêle plus en aucune manière de ses affaires. J’ai eu pour lui, pendant un an, toutes les attentions que je devais à un homme envoyé par vous ; je n’ai rien négligé pour le rendre digne de vos bontés ; c’est maintenant à M. Hennin uniquement à se charger de son sort et de sa conduite. Si vous avez quelques ordres à me donner sur son compte, je les exécuterai avec exactitude ; mais je ne ferai absolument rien sans vos ordres précis.

Agréez, monseigneur, avec autant de bonté que de plaisanterie, mon très-tendre et profond respect.

  1. La Guienne, dont le duc de Richelieu était gouverneur.
  2. Galien.