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CORRESPONDANCE.
7146. — À M. DAMILAVILLE.
18 janvier.

Je n’aurai point de repos, mon cher ami, que je ne sache l’issue de votre affaire. Je ne comprends rien à M. de Sauvigny. Je l’ai reçu de mon mieux chez moi, lui, sa femme, et son fils. Mme de Sauvigny m’a donné sa parole d’honneur qu’elle travaillerait à vous faire donner une pension, si vous conserviez la place que vous avez exercée si longtemps. Cela ne s’accorde point avec une persécution. Mme de Sauvigny d’ailleurs semblait avoir quelque intérêt de ménager mon amitié. Elle sait combien j’ai été sollicité par son frère[1], qu’elle a forcé de se réfugier en Suisse ; elle sait que j’ai arrêté les factums qu’on voulait faire contre elle.

J’ai prévu, dès le commencement, que M. le duc de Choiseul ne se mêlerait point de cette affaire, puisqu’il m’a répondu sur quatre articles, et qu’il n’a rien dit sur celui qui vous regarde, quoique j’eusse tourné la chose d’une manière qui ne pouvait lui paraître indiscrète : en un mot, je suis affligé au dernier point. Mandez-moi au plus vite où vous en êtes[2].

M. Boursier demande s’il y a sûreté à vous envoyer l’ouvrage de Saint-Hyacinthe[3].

Vraiment on serait enchanté d’avoir le petit livre qui prouve que le clergé n’est point le premier corps de l’État[4]. Il l’est si peu qu’il n’a assisté aux grandes assemblées de la nation que sous le père de Charlemagne.

Je ne vous embrasserai qu’avec douleur, jusqu’à ce que je sache que vous ayez la place qui vous est due.

Adieu, mon cher ami.

  1. J.-M. Durey de Morsan, né en 1717, frère de Mme de Sauvigny, dont le mari devint, en 1768, intendant de Paris, avait dissipé une belle fortune. Voltaire lui donna souvent asile. Il a publié quelques ouvrages, et est mort à Genève en 1795. Voyez tome XIX, page 31 ; XXIV, 11 ; et aussi les lettres de Voltaire à Mme de Sauvigny, des 3, 20 et 30 janvier 1769.
  2. Ici, dans quelques éditions, on avait inséré quelques phrases du second alinéa de la lettre 7136.
  3. Le Dîner du comte de Boulainvilliers.
  4. Discussion intéressante sur la prétention du clergé d’être le premier corps de l’État, 1767, in-12, attribué au marquis de Puységur, lieutenant général.