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ANNÉE 1767

N. B. Je suis obligé de vous dire, avant de mourir, qu’une de mes maladies mortelles est l’horrible corruption de la langue, qui infecte tous les livres nouveaux. C’est un jargon que je n’entends plus ni en vers ni en prose. On parle mieux actuellement le français ou françois à Moscou qu’à Paris. Nous sommes comme la république romaine, qui donnait des lois au dehors quand elle était déchirée au dedans.

7156. — À CATHERINE II.
29 janvier.

Madame, on dit qu’un vieillard, nommé Siméon, en voyant un petit enfant, s’écria dans sa joie : Je n’ai plus qu’à mourir, puisque j’ai vu mon salutaire[1]. Ce Siméon était prophète, il voyait de loin tout ce que ce petit Juif devait faire.

7157. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].
À Ferney, 30 janvier 1768.

Mon très-cher confrère, je vous fais mon compliment sur tous les succès de votre Académie, et j’en fais à M. Legouz sur ses magnificences[3].

Vous me parlez de M. le président de Brosses : voyez, monsieur, si vous voulez lui faire lire ce que je vais vous représenter :

1° Il avait affermé sa terre de Tournay à un ivrogne, fils d’un syndic de Genève[4], lequel ivrogne s’était engagé à lui en donner trois mille livres par an, sans la connaître et sans pouvoir le payer[5]. Ce pauvre diable est mort insolvable. Ce polisson en aurait donné six mille francs aussi bien que trois mille. Le fait est que, quand j’ai voulu l’affermer, je n’en ai jamais pu trouver que

  1. Luc, ii, 30.
  2. Éditeur, Th. Foisset.
  3. La fondation de prix à l’École gratuite des beaux-arts établie à Dijon et le don d’un cabinet d’histoire naturelle fait à l’Académie. — La donation du jardin de botanique de Dijon par Legouz de Gerland n’eut lieu qu’en 1773.
  4. C’est à Chouet le père, en sa qualité de premier syndic de Genève, qu’est adressée la lettre de Voltaire du 2 août 1755. Rousseau le nomme dans ses Confessions (partie II, livre viii), à propos de la dédicace du Discours sur l’inégalité. Dans sa VIIe Lettre de la montagne, il parle d’une harangue célèbre de M. le syndic Chouet, prononcée en 1707. Ce dernier est-il bien le père du fermier de M. de Brosses ? (Th. F.)
  5. Sans nier l’inconduite de Chouet, M. de Brosses affirme que ce fermier le payait bien. (Th. F.)