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ANNÉE 1767

plus dangereuse. On ne fait nul tort à la mémoire de Saint-Hyacinthe, en lui attribuant une plaisanterie faite il y a quarante ans. Les morts se moquent de la calomnie, mais les vivants peuvent en mourir. En un mot, mon cher confrère, je me recommande à votre amitié pour que les confesseurs ne soient pas martyrs.

7168. — À MADAME DE SAINT-JULIEN.
À Ferney, 5 février.

Votre lettre, madame, vos bontés pour mon fils adoptif, votre souvenir de mon respectueux attachement pour vous, le désir que vous témoignez d’honorer encore ma chaumière de votre présence, tout cela ranime mon cœur et tourne ma vieille tête. Je suis pénétré de la bienveillance que M. le duc de Choiseul daigne me conserver. Il veut faire quelque chose de mon petit pays barbare ; il y aura un peu de peine.

Vous me faites, madame, beaucoup d’honneur et un mortel chagrin en m’attribuant l’ouvrage de Saint-Hyacinthe, imprimé il y a quarante ans[1]. Les soupçons dans une matière aussi grave seraient capables de me perdre et de m’arracher au seul asile qui me reste sur la terre, dans une vieillesse accablée de maladies, qui ne me permet pas de me transplanter. Mes derniers jours seraient empoisonnés de la manière la plus funeste.

Je vous conjure, madame, par toute la bonté de votre cœur, de bien dire, surtout à M. le duc de Choiseul, que je n’ai ni ne puis avoir aucune part à la foule de ces ouvrages hardis qu’on imprime et qu’on réimprime depuis plusieurs années, et qui ont fait une prodigieuse révolution dans les esprits, d’un bout de l’Europe à l’autre.

Puisque vous avez envoyé à M. le duc de Choiseul une partie de l’imprimé de Saint-Hyacinthe[2] en manuscrit, vous êtes en droit, plus que personne, de certifier que le nom de Saint-Hyacinthe est imprimé à la tête de la brochure, avec la date de 1728.

De plus, il y a cent traits[3] dans cet ouvrage qui indiquent évidemment le temps où il fut composé. Vous n’étiez pas née alors, madame : il s’en faut beaucoup ; mais, toute jeune que vous êtes, vous avez un cœur toujours occupé de faire du bien.

  1. Le Dîner du comte de Boulainvilliers.
  2. Toujours le Dîner.
  3. Il y a au contraire plusieurs traits qui prouvent que le Dîner est postérieur à 1728 ; voyez tome XXVI, pages 531, 547, 560.