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ANNÉE 1767

en France, et qui sont très-mal instruits. Ce serait, ce me semble, une œuvre pie assez nécessaire que de convertir ces hérétiques là. J’espère bien qu’ils ouvriront les yeux à la lumière, et qu’ils seront tous de ma religion.

Vous êtes à la tête, monsieur, du plus beau comité que je connaisse. Il vaut mieux rédiger les lois de la Russie que d’aller consulter les lois de la Chine, et je vous aime mieux législateur qu’ambassadeur.

Je fais partir, dans quelques jours, un gros ballot que Sa Majesté impériale a daigné me demander pour sa bibliothèque. Il n’arrivera pas sitôt ; il y a environ un quart du globe entre vous et moi, et c’est de quoi je suis bien fâché.

Je me mets aux pieds de madame la comtesse. Ma nièce est enchantée de votre souvenir ; elle partage mes sentiments.

7178. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
12 février.

Hier il arriva dans ma cour, couverte de quatre pieds de neige, un énorme panier de bouteilles de vin de Champagne. À la vue de ce puissant remède contre la glace de nos climats et celle de la vieillesse, je reconnus les bontés de deux nouveaux mariés qui, dans leur bonheur, songent à soulager les malheureux : c’est une vertu qui n’est pas ordinaire.

Comptez, monsieur et madame, que je suis aussi reconnaissant que vous êtes généreux. Votre nectar de Champagne vient d’autant plus à propos que celui de Bourgogne a manqué cette année. Vous êtes venus à notre secours dans le temps que nous étions livrés à nos ennemis, au plat vin de Beaujolais et de Mâcon.

Vous nous avez flattés, Mme Denis et moi, que vous pourriez bien, en passant, venir boire de votre vin. Nous aurons certainement la discrétion de ne pas tout avaler, et nous vous réserverons votre part bien loyalement.

J’avouerai à M. le comte de Rochefort que je suis très-affligé d’un bruit qui court dans Paris, que j’ai dîné autrefois avec le comte de Boulainvilliers et l’abbé Couet. Je vous jure que je n’ai jamais eu cet honneur. C’est une chose cruelle de m’attribuer toutes les fadaises irréligieuses qui paraissent depuis plusieurs années : il y en a plus de cent. Les auteurs se plaisent à me les imputer. C’est un funeste tribut que je paye a une réputation qui me pèse plus qu’elle ne me flatte.