Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/59

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quelques livres assez curieux qu’on m’a envoyés de Hollande. Le commerce des pensées est un peu interrompu en France ; on dit même qu’il n’est pas permis d’envoyer des idées de Lyon à Paris. On saisit les manufactures de l’esprit humain comme des étoffes défendues. C’est une plaisante politique de vouloir que les hommes soient des sots, et de ne faire consister la gloire de la France que dans l’opéra-comique. Les Anglais en sont-ils moins heureux, moins riches, moins victorieux, pour avoir cultivé la philosophie ? Ils sont aussi hardis en écrivant qu’en combattant, et bien leur en a pris. Nous dansons mieux qu’eux, je l’avoue ; c’est un grand mérite, mais il ne suffit pas. Locke et Newton valent bien Dupré et Lulli.

Mille respects a votre aimable femme, qui pense. Conservez‑moi vos bontés.


6674. — À M. LE CHEVALIER DE CHASTELLUX[1].
Au château de Ferney, par Genève, 14 janvier.

Monsieur, il y a des malheurs[2] qui produisent les choses du monde les plus heureuses. Votre philosophie et votre générosité ont secouru l’innocence menacée. Permettez-moi de vous témoigner la reconnaissance dont je serai pénétré toute ma vie. Souffrez aussi que je félicite mon siècle de ce qu’il produit des âmes comme la vôtre, qui désarment la superstition : cela ne serait pas arrivé il y a vingt ans.

J’ai l’honneur d’être, avec autant de reconnaissance que de respect, monsieur, votre, etc.


6675. — À M. DAMILAVILLE.
14 janvier.

Votre lettre du 8 de janvier, mon cher ami, m’a remis un peu de baume dans le sang ; c’est le sort de toutes vos lettres. Le président du bureau n’est pas pour les fidèles ; mais le chevalier de Chastellux est fidèle ; M. de Montyon[3] est fidèle aussi,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le chevalier de Chastellux a écrit en marge la note suivante : « Il s’agissait dans cette lettre de livres arrêtés. Je ne me rappelle pas à quel propos ; mais c’était toujours une recommandation auprès de M. d’Aguesseau (fils du chancelier et oncle de Chastellux) que M. de V. avait demandée. »
  3. À qui est adressée la lettre 6663.