Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Présentez, je vous prie, mes tendres respects à M. l’ancien premier président de La Marche. Je n’ai jamais fait qu’un bon marché, c’est avec M. Pourchet[1] ; je lui ai envoyé de mauvais ouvrages qu’il m’avait demandés, et il m’a donné de bon vin. Si vous voulez, mon cher président, quelques exemplaires du recueil fait par les Cramer, je vous en ferai tenir sans exiger seulement une bouteille de bourgogne ; mais je ne pourrai vous les envoyer reliés, parce qu’il n’y a plus moyen de faire travailler un seul ouvrier de Genève.

En vous remerciant de la bonté avec laquelle vous avez parlé de moi à M. le chevalier de Boufflers. Ne m’oubliez pas auprès de M. Le Gouz[2].


6679. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Berlin, 16 janvier.

J’ai lu toutes les pièces que vous m’avez envoyées. Je trouve le Triumvirat rempli de beaux détails. Les pièces contre l’inf… sont si fortes que, depuis Celse, on n’a rien publié de plus frappant. L’ouvrage de Boulanger est supérieur à l’autre[3], et plus à la portée des gens du monde, pour qui de longues déductions fatiguent l’esprit, relâché et détendu par les frivolités qui l’enervent continuellement.

Il ne reste plus de refuge au fantôme de l’erreur. Il a été flagellé et frappé sur toutes ses faces, sur tous ses côtés. Partout je vois ses blessures, et nulle part d’empiriques empressés à pallier son mal. Il est temps de prononcer son oraison funèbre, et de l’enterrer. Vous défaites le charme, et l’illusion se dissipe en fumée. Je crains bien qu’il n’en soit pas ainsi des troubles intestins de Genève. J’augure, selon les nouvelles publiques, que nous touchons au dénoûment, qui causera ou une révolution dans le gouvernement, ou quelque tragédie sanglante…

Quoi qu’il en arrive, les malheureux trouveront un asile ouvert où ils le souhaitent. C’est à eux à déterminer le moment où ils voudront en profiter.

La cour de France traite ces gens avec une hauteur inouïe, et j’avoue que j’ai peine à concevoir pourquoi sa décision se trouve actuellement diamétralement opposée à celle qu’elle porta sur la même affaire, il y a trente

  1. Je trouve un M. Pourcher, ingénieur en chef du canal du Charolais, mort en 1778, auteur de planches géographiques gravées par Monnier.

    Je trouve aussi un conseiller au parlement de Dijon, du nom de Pourcher, reçu le 3 décembre 1746, remplacé en 1777. (Th. F.)

  2. Bénigne Le Gouz de Garland, né à Dijon en 1695, mort le 17 mars 1774, avait étudié avec Voltaire au collège de Clermont, aujourd’hui de Louis-le-Grand. (Th. F.)
  3. Quelques ouvrages philosophiques de M. de Voltaire furent publiés d’abord sous les noms de Boulanger, Fréret, Bolingbroke, etc. (K.)