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CORRESPONDANCE

qu’il y eût dans le monde quelqu’un qui fût fait pour Jean-Jacques.

Il est bien vrai que j’avais promis[1], il y a trois mois, à l’électeur palatin, d’aller lui faire ma cour ; mais ma détestable santé m’a privé de cet honneur et de ce plaisir.

Je n’ai point entendu parler des prétendues faveurs du parlement de Paris. J’ai un neveu actuellement conseiller à la Tournelle, qui ne m’aurait pas laissé ignorer tant de bontés. On ne fait pas toujours tout ce dont on serait capable.

Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher ami ; portez-vous bien. J’espère recevoir encore quelques amusettes pour vous.

7338. — À M. DE LA TOURETTE.
À Ferney, 18 septembre.

Vous allez vous réjouir, monsieur, et vous faites fort bien. On ne peut mieux prendre son temps pour aller voir le pape, que lorsqu’on lui donne des nasardes en lui baisant les pieds. Je ne suis lié à présent avec personne en Italie, et je me suis retranché presque toutes mes correspondances. Il n’y a peut-être que deux personnes à qui je pourrais écrire : l’une est le marquis Beccaria, à Milan ; l’autre, le marquis Albergati, à Vérone. Celui-là joue la comédie tant qu’il peut, et est, dit-on, bon acteur. Si vous voulez, je leur écrirai, et je me vanterai d’avoir l’honneur de vous connaître. J’attends sur cela vos ordres. Pour moi, je ne dois attendre de Rome que des excommunications. Vous recevrez plus de bénédictions des dames que du pape. Vous entendrez de la belle musique, qui n’est plus faite pour mes oreilles dures ; vous verrez de beaux tableaux dont mes yeux affaiblis ne pourraient plus juger ; et vous rencontrerez des Arlequins en soutane, qui ne me feraient plus rire.

Je vous souhaite un bon voyage. J’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Je présente mes respects à toute votre famille.

  1. La lettre où Voltaire avait fait cette promesse manque ; à moins pourtant que Voltaire ne veuille ici faire allusion à la lettre qu’il écrivait à Colini le 29 mai 1768 (n° 7269), dans laquelle il lui promet, « mort ou vif », de l’embrasser à la fin de juillet.