Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
ANNÉE 1768.

connaissais que les pilules de Belloste, et point de marquis si profond et en même temps si fautif dans l’histoire de France, si c’est lui qui est le coupable, il ne convient pas de le traiter comme un La Beaumelle ; il faut le faire rougir poliment de son tort. J’avoue que j’ai cru reconnaître le style, les phrases de ce La Beaumelle, son ton décisif, son audace à citer à tort et à travers, son tour d’esprit, ses termes favoris. Il se peut qu’il ait travaillé avec M. de Belloste. Je fais ce que je puis pour m’en éclaircir.

Il y a une chose très-curieuse et très-importante sur laquelle vous pourriez m’instruire avant que j’ose être votre champion ; c’est à vous de me fournir des armes. Le marquis vrai ou prétendu assure qu’aux premiers états de Blois, les députés des trois ordres déclarèrent, avec l’approbation du roi, de Catherine, et du duc d’Alençon, que les parlements sont des états généraux au petit pied. Il ajoute qu’il est étrange qu’aucun historien n’ait parlé d’un fait si public. Il vous serait aisé de faire chercher dans la Bibliothèque du roi s’il reste quelque trace de cette anecdote, qui semblerait donner quelque atteinte à l’autorité royale. C’est une matière très-délicate, sur laquelle il ne serait pas permis de s’expliquer sans avoir des cautions sûres.

Parmi les fautes qui régnent dans cet Examen, il faut avouer qu’on trouve des recherches profondes. Il est vrai qu’il suffit d’avoir lu des anecdotes pour les copier ; mais enfin cela tient lieu de mérite auprès de la plupart des lecteurs, séduits d’ailleurs par la licence et par la satire. La plupart des gens lisent sans attention ; très-peu sont en état de juger. C’est ce qui donne une assez grande vogue à ce petit ouvrage. Il me paraît nécessaire de le réfuter.

J’attendrai vos instructions et vos ordres ; et si vous chargez un autre que moi de combattre sous vos drapeaux, je n’aurai point de jalousie, et je n’en aurai pas moins de zèle.

Ce qui affaiblit beaucoup mes soupçons sur La Beaumelle c’est qu’il ne dit point de mal de moi. Quel que soit l’auteur, je persiste à croire qu’une réfutation est nécessaire. Je pense qu’en fait d’ouvrage de génie il ne faut jamais répondre aux critiques, attendu qu’on ne peut disputer des goûts ; mais en fait d’histoire il faut répondre, parce que lorsqu’on m’accuse d’avoir menti, il faut que je me lave. Le révérend père Nonotte m’a accusé auprès du pape d’avoir menti, en soutenant que Charlemagne n’avait jamais donné Ravenne au pape. Mon bon ange a découvert une lettre par laquelle Charlemagne institue un gouverneur dans