Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
ANNÉE 1768.

ront un jour les effets. Je ne verrai pas ces jours heureux, mais je mourrai avec la consolation d’avoir vu celui qui les fera naître.

Votre philosophie bienfaisante est déjà connue, elle a été ornée des grâces de votre esprit ; tous les gens de lettres vous ont applaudi : il viendra un temps où la nation entière pourra vous avoir de plus grandes obligations. Vous êtes né dans un siècle éclairé ; mais la lumière qui s’est étendue depuis quelques années n’a encore servi qu’à nous faire voir nos abus, et non pas à les corriger ; elle a même révolté quelques esprits qui, faits pour les erreurs, pensent qu’elles sont nécessaires. Plus la raison se développe, plus elle effraye le fanatisme. On tient en esclavage les corps et les esprits autant qu’on le peut. Pour comble de malheur, la fausse politique protège ce fanatisme funeste. Il en est de certaines superstitions comme des déprédations autorisées dans la finance : elles sont anciennes, elles sont en usage : donc il les faut soutenir. Voilà comme l’on raisonne ; on agit en conséquence, et il y en a eu des exemples bien funestes.

Si quelqu’un peut contribuer un jour à rendre la France aussi heureuse qu’elle commence à être éclairée, c’est assurément vous, monsieur le duc. Les Montausier on rendu leur nom célèbre dans le siècle des beaux-arts, vous pourrez rendre le vôtre immortel dans celui de la philosophie ; c’est ce que je souhaite et que j’espère du fond de mon cœur. Vous m’avez inspiré une tendre vénération ; je ferai des vœux, dans le peu de temps qui me reste à vivre, pour que vous soyez à portée de déployer vos grands talents, et de faire tout le bien dont la France a encore besoin.

Agréez mon profond respect. Si vous avez quelque ordre à me donner, signez seulement une L et un V. Permettez-moi de faire mes compliments à M. Dupont, qui est si digne de votre amitié.

7382. — À M. D’ALEMBERT.
7 novembre.

Mon cher et illustre philosophe, je ne sais d’autre anecdote sur M. l’abbé Olivet sinon que, quand il était notre préfet aux Jésuites, il nous donnait des claques sur les fesses par amusement. Si M. l’abbé de Condillac veut placer cela dans son éloge, il faudra qu’il fasse une petite dissertation sur l’amour platonique.