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ANNÉE 1768.

deux premiers, il me paraît qu’un inquisiteur même ne pourrait s’élever contre la pièce.

Voici donc les trois premiers actes, dans lesquels vous trouverez beaucoup de changements. Les deux derniers étant sans prêtres, il n’y a plus rien à changer que le titre de la tragédie. Latouche l’avait intitulée les Guèbres ; cela seul pourrait donner des soupçons. Ce titre des Guèbres rappellerait celui des Scythes, et présenterait d’ailleurs une idée de religion qu’il faut absolument écarter. Je l’appelle donc les Deux Frères. On pourra l’annoncer sous ce nom, après quoi on lui en donnera un plus convenable.

Lekain peut donc la lire hardiment à la Comédie. Il ne s’agit plus que d’anéantir dans la tête de Marin le préjugé qui pourrait encore lui donner de la timidité : c’est un coup de partie, mon cher ange ; il faut ressusciter le théâtre, qui faisait presque seul la gloire des Welches. Je vous avouerai de plus que ce serait une occasion de faire certaines démarches que sans cela je n’aurais jamais faites. Je n’ai plus que deux passions, celle de faire jouer les Deux Frères, et celle de revoir les deux anges.

J’ai encore une demi-passion, c’est que l’opéra[1] de M. de La Borde soit donné pour la fête du mariage du dauphin. La musique est certainement fort agréable. Je doute que M. le duc de Duras puisse trouver rien de mieux. Dites-moi si vous voulez lui en parler, et si vous voulez que je lui en écrive.

Sub umbra alarum tuarum[2].

7422. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
8-19 décembre.

Monsieur, le porteur de celle-ci vous remettra de ma part trois paquets numérotes 1, 2, et 3.

En ouvrant le premier, vous saurez ce que contiennent les deux autres. Je vous fais mille excuses d’avoir tardé si longtemps : cent choses ensemble m’ont empêchée de vous envoyer ces papiers. Le prince Kosloftsky, lieutenant de mes gardes, a regardé comme une faveur distinguée d’être envoyé à Ferney. Je lui en sais gré. Si j’étais à sa place, j’en ferais autant.

Adieu, monsieur ; portez-vous bien, et soyez assuré que personne ne s’intéresse plus à tout ce qui vous regarde que

Catherine.
  1. Pandore ; voyez tome III.
  2. Psaume xvi, 8.