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CORRESPONDANCE.

d’autres voulussent attaquer le président, ils n’y réussiraient pas ; son livre a eu trop de succès pour que la critique de quelques particuliers puisse lui paraître fondée ; il en attribuerait la cause à une basse jalousie, il la mépriserait, et il aurait raison, Point de guerre entre les vieillards ; vous y auriez trop d’avantage, vos écrits n’ont que vingt-cinq ans.

Je consentirais volontiers à dire, à publier que vous n’êtes ni l’auteur ni le traducteur de l’A, B, C. et de toutes les autres brochures ; mais me croira-t-on ? Ne m’en rendez pas caution, je vous prie ; on s’en rapportera au style, et il est difficile de s’y méprendre. Mais, monsieur, envoyez toujours à la grand’maman tout ce qui tombera entre vos mains, et qu’il y ait, je vous supplie, deux exemplaires.

Non, non ; n’ayez pas peur, rien n’altérera l’opinion que j’ai de votre religion et de votre piété. Je vous fais mettre en pratique les vertus théologales ; mais je ne voudrais pas devoir à la charité l’amitié dont vous m’assurez.

Adieu, mon bon et ancien ami ; je n’exerce aucune vertu en vous aimant et en croyant en vous. Ah ! pourquoi ne puis-je avoir l’espérance de vous revoir ?

7445. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE.
À Ferney, 5 janvier.

Vous êtes bien bon, monsieur, de parler de microscope à un pauvre vieillard qui a presque perdu la vue. Il y a longtemps que je suis accoutumé à voir grossir des objets fort minces. La sottise, la calomnie, et la renommée, leur très-humble servante, grossissent tout. On avait fort grossi les fautes du comte de Lally et les indécences du chevalier de La Barre ; il leur en a coûté la vie. On a grossi les panégyriques de gens qui ne méritaient pas qu’on parlât d’eux. On voit tout avec des verres qui diminuent ou qui augmentent les objets, et presque rien avec les lunettes de la vérité.

Il n’en sera pas ainsi sans doute du livre de M. l’abbé Régley, que vous estimez. Je me flatte qu’il n’aura pas vu du jus de mouton produire des anguilles qui accouchent sur-le-champ d’autres anguilles.

J’attends son livre avec d’autant plus d’impatience que je viens d’en lire un à peu près sur le même sujet. En me le donnant, ayez la bonté, monsieur, de me faire avoir les Découvertes microscopiques, et je vous enverrai les Singularités de la nature[1].

Cette nature est bien plus singulière dans nos Alpes qu’ailleurs : c’est tout un autre monde. Le vôtre est plus brillant. Je

  1. Tome XXVII, page 125.