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CORRESPONDANCE.

Si mon cher Isaac[1] va au printemps en Provence, je suis sur la route ; j’irai au-devant de lui en chantant : Hozanna filio Belzebuth !

Adieu, mon cher président. Ne manquez pas surtout, je vous en prie, d’assurer M. Le Gouz de ma tendre reconnaissance : ce sont des sentiments que je conserverai pour vous et pour lui toute ma vie. V.

7474. — À M. DE SUDRE,
avocat à toulouse.
6 février.

Monsieur, il se présente une occasion de signaler votre humanité et vos grands talents. Vous avez probablement entendu parler de la condamnation portée, il y a cinq ans, contre la famille sirven, par le juge de Mazamet. Cette famille Sirven est aussi innocente que celle des Calas. J’envoyai le père à Paris présenter requête au conseil pour obtenir une évocation ; mais ces infortunés n’étant condamnés que par contumace, le conseil ne put les soustraire à la juridiction de leurs juges naturels. Il craignait de comparaître devant le parlement de Toulouse, dans une ville qui fumait encore du sang de Calas. Je fis ce que je pus pour dissiper cette crainte. J’ai tâché toujours de leur persuader que plus le parlement de Toulouse avait été malheureusement trompé par les démarches précipitées du capitoul David dans le procès de Calas, plus l’équité de ce même parlement serait en garde contre toutes les séductions dans l’affaire des Sirven.

L’innocence des Sirven est si palpable, la sentence du juge de Mazamet si absurde, qu’il suffit de la lecture de la procédure et d’un seul interrogatoire, pour rendre aux accusés tous leurs droits de citoyen.

Le père et la mère, accusés d’avoir noyé leur fille, ont été condamnés à la potence. Les deux sœurs de la fille noyée, accusées du même crime, ont été condamnées au simple bannissement du village de Mazamet.

Il y a plus de quatre ans que cette famille, aussi vertueuse que malheureuse, vit sous mes yeux. Je l’ai enfin déterminée à venir réclamer la justice de votre parlement. J’ai vaincu la répugnance que le supplice de Calas lui inspirait, j’ai même regardé

  1. Le marquis d’Argens.