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année 1769.

qui puisse vous en tirer ; mais la philosophie vient à pas lents, et le fanatisme parcourt la terre à pas de géant.

Je me consolerai, et j’aurai quelque espérance de voir les hommes devenir meilleurs, si vous faites rendre aux sinon une justice complète. Je vous prie, monsieur, de ne vous point rebuter des irrégularités dans lesquelles peut tomber un homme accablé d’une infortune de sept années, capable de déranger la meilleure tête.

Au reste, il doit avoir encore assez d’argent, et il n’en manquera pas. Je suis tout prêt de faire ce que veut M. d’Arquier. Je pense entièrement comme lui ; il m’a pris par mon faible, et vous augmentez beaucoup l’envie que j’ai de rendre ce petit service à la littérature. Il faudrait pour cela être sur les lieux, il faudrait passer l’hiver à Toulouse. C’est une grande entreprise pour un vieillard de soixante-quinze ans, qui aime passionnément les beaux-arts, mais qui n’a que des désirs et point de force.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec tous les sentiments d’estime, et j’ose dire d’amitié, que vous méritez, votre, etc.

P. S. Notre ami, l’abbé Morellet, a donc écrasé la compagnie des Indes[1] ; mais cette compagnie a fait couper le cou à Lally, qui, à mon gré ne le méritait pas. Il y avait quelques gens employés aux Indes qui méritaient mieux une pareille catastrophe : c’est ainsi que va le monde. Tout ira bien dans la Jérusalem céleste.


7656. — À M. D’ALEMBERT.
4 septembre.

Martin[2] était un cultivateur établi à Bleurville, village du Barrois, bailliage de la Marche, chargé d’une nombreuse famille. On assassina, il y a deux ans et huit mois, un homme sur le grand chemin auprès du village de Bleurville. Yn praticien ayant remarqué sur le même chemin, entre la maison de Martin et le lieu où s’était commis le meurtre, une empreinte de soulier, on saisit Martin sur cet indice, on lui confronta ses souliers, qui cadraient assez avec les traces, et on lui donna la question. Après ce préliminaire, il parut un témoin qui avait vu le meur-

  1. Son ouvrage est intitulé Mémoire sur la situation actuelle de la compagnie des Indes, 17-9, in-4o.
  2. Voyez tome XVIII, page 118 ; XXVIII, 416, 427 et 498.