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ANNÉE 1768.

Aimez le théâtre comme on aime sa vieille maîtresse qui ne peut plus donner de plaisir, mais qui en a donné. Tout le monde la trouve fort vilaine ; mais il est beau à vous et à mes anges d’avoir avec elle de bons procédés.

Il y a très-longtemps que je n’ai écrit à ces chers anges, mais si vous leur montrez ma lettre, ils y verront tous les sentiments de mon cœur.

Je suis enchanté que vous causiez souvent avec Mme Denis. Vous devez tous deux vous aimer ; je vous ai vus tous deux très-grands acteurs. Entre nous, mon ami, la vie de la campagne ne lui convient pas du tout. Je ne hais pas à garder les dindons, et il lui faut bonne compagnie ; elle me faisait un trop grand sacrifice ; je veux qu’elle soit heureuse à Paris, et je voudrais pouvoir faire pour elle plus que je n’ai fait.

J’ai avec moi actuellement mon gendre adoptif, qui sera assurément un officier de mérite. M. le duc de Choiseul, qui se connaît en hommes, commence déjà à le distinguer. Il a daigné faire du bien à ceux que j’ai pris la liberté de lui recommander, et je lui suis trop attaché pour lui présenter des personnes indignes de sa protection.

Je compte toujours sur celle de MM. les ducs de Choiseul et de Praslin. Vous savez que j’en ai un peu besoin contre la cabale fréronique, et même contre la cabale convulsionnaire, qui seraient bien capables de me persécuter jusqu’au tombeau, comme les jésuites persécutèrent Arnauld.

Mon curé prend l’occasion de la Pentecôte pour vous faire ses plus tendres compliments. La première fois que je rendrai le pain bénit, je vous enverrai une brioche par la poste.

7265. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
26 mai.

Il me semble, mon cher ami, qu’on a peu d’attention à la poste pour vos paquets. Non-seulement je vous avais envoyé Quarante ècus pour votre M. de Menand, mais je vous avais envoyé encore Quarante écus pour Mme Denis, avec une lettre. Rien de tout cela n’est arrivé à bon port. Vous voyez qu’il y a des gens qui courent après les sommes les plus modiques. Je ne hasarde point de vous envoyer la Guerre, que vous demandez ; on l’imprime à Paris.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.