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CORRESPONDANCE

pain bénit, selon ma coutume, le jour de Pâques, je l’avertis, et tous ceux qui étaient dans le sanctuaire, qu’il fallait prier tous les dimanches pour la santé de la reine, dont on ignorait la maladie dans mes déserts ; et que je dis aussi un mot touchant un vol qui venait de se commettre pendant le service divin.

La même chose a été certifiée par l’aumônier du château et par un notaire, au nom de la communauté. J’ai envoyé le tout à M. de Saint-Florentin, en le conjurant de le montrer au roi, et ne doutant pas qu’il ne remplisse ce devoir de sa place et de l’humanité.

J’ai le malheur d’être un homme public, quoique enseveli dans le fond de ma retraite. Il y a longtemps que je suis accoutumé aux plaisanteries et aux impostures. Il est plaisant qu’un devoir que j’ai très souvent rempli ait fait tant de bruit à Paris et à Versailles. Mme Denis doit se souvenir qu’elle a communié avec moi à Ferney[1], et qu’elle m’a vu communier à Colmar[2]. Je dois cet exemple à mon village, que j’ai augmenté des trois quarts : je le dois à la province entière, qui s’est empressée de me donner des attestations auxquelles la calomnie ne peut répondre.

Je sais qu’on m’impute plus de petites brochures contre des choses respectables que je n’en pourrais lire en deux ans ; mais, Dieu merci, je ne m’occupe que du Siècle de Louis XIV ; je l’ai augmenté d’un tiers.

La bataille de Fontenoy, le secours de Gênes, la prise de Minorque, ne sont pas oubliés[3] ; et je me console de la calomnie en rendant justice au mérite.

Je vous supplie de regarder le compte exact que j’ai pris la liberté de vous rendre, comme une marque de mon respectueux attachement. Le roi doit être persuadé que vous ne m’aimeriez pas un peu si je n’en étais pas digne. Mon cœur sera toujours pénétré de vos bontés pour le peu de temps qui me reste encore à vivre. Vous savez que rarement je peux écrire de ma main ; agréez mon tendre et profond respect.

  1. En 1761 : voyez tome XLI, page 210.
  2. Colini parle de cette communion de Colmar dans Mon Séjour auprès de Voltaire, page 128 : « Je jetai un coup d’œil sur le maintien de Voltaire. Il présentait sa langue, et fixait ses yeux bien ouverts sur la physionomie du prêtre. Je connaissais ces yeux-là. »
  3. Voyez tome XV, pages 237, 275, 339.