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CORRESPONDANCE

Those gracious kings are all a pack of rogues.

En vérité, en lisant l’histoire des York, des Lancastre, et de bien d’autres, on croit lire l’histoire des voleurs de grands chemins. Pour votre Henri VII, il n’était qu’un coupeur de bourse, etc.[1].

Je suis avec respect, etc.

7301. — À MADAME LA DUCHESSE DE CHOISEUL.
15 juillet.

La femme du protecteur est protectrice, la femme du ministre de la France pourra prendre le parti des Français contre les Anglais, avec qui je suis en guerre. Daignez juger, madame, entre M. Walpole et moi. Il m’a envoyé ses ouvrages, dans lesquels il justifie le tyran Richard III, dont ni vous, ni moi, ne nous soucions guère ; mais il donne la préférence à son grossier bouffon Shakespeare sur Racine et sur Corneille, et c’est de quoi je me soucie beaucoup.

Je ne sais par quelle voie M. Walpole m’a envoyé sa déclaration de guerre ; il faut que ce soit par M. le duc de Choiseul, car elle est très-spirituelle et très-polie. Si vous voulez, madame, être médiatrice de la paix, il ne tient qu’à vous. J’en passerai

  1. Horace Walpole écrivit à la marquise du Deffant : « J’admire, comme vous, le style et le goût de Voltaire, mais je suis très-éloigné de me payer de ses raisonnements ; rien de plus faux et de plus frivole que ce qu’il donne pour des arguments dans la dernière lettre qu’il m’a adressée. Je n’ai jamais pensé de vanter notre théâtre, ni de lui donner la préférence sur le votre. J’ai préféré Shakespeare à lui Voltaire. C’est un faux-fuyant pour sa gloire blessée, quand il donne le change, et prétend que je mets Shakespeare au-dessus de Racine et de Corneille. Rien de plus faux que ce qu’il débite sur ses trente mille juges à Paris, exagération outrée. Je douterais fort que dans tout le monde il y eût trente mille personnes capables de juger les ouvrages de théâtre. Encore ne connaît-il pas son Athènes. Dans la lie du peuple athénien, le moindre petit artisan jugeait de l’élégance et de la pureté de sa langue, parce qu’il entrait au théâtre ; au lieu que Voltaire dit que les trente mille juges décident à Paris, parce que le bas peuple n’entre point au spectacle. Pour ses beautés d’exposition, je m’en moque. Quoi de plus trivial, de plus ennuyeux et de plus contraire à l’attente, ressort ingénieux pour exciter les passions, que ces froides expositions si usitées dans la première scène des tragédies ? Quelle petitesse de génie, que d’être réduit à décrire l’emplacement des appartements, de peur que l’audience ne s’arrête au milieu d’un grand intérêt pour examiner si une amante malheureuse devait entrer sur la scène par telle ou telle porte ! Il faudrait qu’il y eût force maîtres de cérémonies parmi les trente mille juges, pour que de telles expositions fussent nécessaires. »