Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/232

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Voyez-y votre juge, et votre accusateur,
Qui va dans un moment vous forcer de répondre
Au tribunal des lois qui doivent vous confondre ;
Des lois qui se taisaient sur vos crimes passés,
De ces lois que je venge, et que vous renversez.

CATILINA.

Je vous ai déjà dit, seigneur, que votre place
Avec Catilina permet peu cette audace ;
Mais je veux pardonner des soupçons si honteux,
En faveur de l’état que nous servons tous deux :
Je fais plus, je respecte un zèle infatigable,
Aveugle, je l’avoue, et pourtant estimable.
Ne me reprochez plus tous mes égarements,
D’une ardente jeunesse impétueux enfants ;
Le sénat m’en donna l’exemple trop funeste.
Cet emportement passe, et le courage reste.
Ce luxe, ces excès, ces fruits de la grandeur,
Sont les vices du temps, et non ceux de mon cœur.
Songez que cette main servit la république ;
Que soldat en Asie, et juge dans l’Afrique,
J’ai, malgré nos excès et nos divisions,
Rendu Rome terrible aux yeux des nations.
Moi je la trahirais ! moi qui l’ai su défendre !

CICERON.

Marius et Sylla, qui la mirent en cendre,
Ont mieux servi l’état, et l’ont mieux défendu.
Les tyrans ont toujours quelque ombre de vertu ;
Ils soutiennent les lois avant de les abattre.

CATILINA.

Ah ! si vous soupçonnez ceux qui savent combattre,
Accusez donc César, et Pompée, et Crassus.
Pourquoi fixer sur moi vos yeux toujours déçus ?
Parmi tant de guerriers, dont on craint la puissance,
Pourquoi suis-je l’objet de votre défiance ?
Pourquoi me choisir, moi ? par quel zèle emporté ?…

CICERON.

Vous-même jugez-vous ; l’avez-vous mérité ?

CATILINA.

Non, mais j’ai trop daigné m’abaisser à l’excuse ;
Et plus je me défends, plus Cicéron m’accuse.
Si vous avez voulu me parler en ami,
Vous vous êtes trompé, je suis votre ennemi :