Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/39

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LE COMTE

Non. Désormais soyez de la famille :
Ma mère arrive ; elle vous voit en fille ;
Et mon estime, et sa tendre amitié
Doivent ici vous mettre sur un pied
Fort éloigné de cette indigne gêne
Où vous tenait une femme hautaine.


NANINE

Elle n'a fait, hélas ! Que m'avertir
De mes devoirs... qu'ils sont durs à remplir !

LE COMTE

Quoi ! Quel devoir ? Ah ! Le vôtre est de plaire ;
Il est rempli : le nôtre ne l'est guère.
Il vous fallait plus d'aisance et d'éclat :
Vous n'êtes pas encor dans votre état.

NANINE

J'en suis sortie, et c'est ce qui m'accable ;
C'est un malheur peut-être irréparable.

En se levant,

Ah ! Monseigneur ! Ah ! Mon maître ! écartez
De mon esprit toutes ces vanités ;
De vos bienfaits confuse, pénétrée,
Laissez-moi vivre à jamais ignorée.
Le ciel me fit pour un état obscur ;
L'humilité n'a pour moi rien de dur.
Ah ! Laissez-moi ma retraite profonde.
Eh ! Que ferais-je, et que verrais-je au monde,
Après avoir admiré vos vertus ?

LE COMTE

Non, c'en est trop, je n'y résiste plus.
Qui ? Vous, obscure ! Vous !

NANINE

Quoi que je fasse.
Puis-je de vous obtenir une grâce ?


LE COMTE

Qu'ordonnez-vous ? Parlez.

NANINE

Depuis un temps
Votre bonté me comble de présents.

LE COMTE

Eh bien ! Pardon. J'en agis comme un père,
Un père tendre à qui sa fille est chère.