Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/110

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Que devait lui donner la splendeur de son sang…
Que dis-je ? Ô souvenir ! Ô temps ! Ô jour de crimes !
Il la comptait, Sostène, au nombre des victimes
Qu’il immolait alors à notre sûreté…
Nourri dans le carnage et dans la cruauté,
Seul je pris pitié d’elle, et je fléchis mon père ;
Seul je sauvai la fille, ayant frappé la mère.
Elle ignora toujours mon crime et ma fureur.
Olympie, à jamais conserve ton erreur !
Tu chéris dans Cassandre un bienfaiteur, un maître ;
Tu me détesteras si tu peux te connaître.


Sostène.

Je ne pénètre point ces étonnants secrets,
Et ne viens vous parler que de vos intérêts.
Seigneur, de tous ces rois que nous voyons prétendre
Avec tant de fureur au trône d’Alexandre,
L’inflexible Antigone est seul votre allié…

Cassandre.

J’ai toujours avec lui respecté l’amitié ;
Je lui serai fidèle.

Sostène.

Il doit aussi vous l’être : Mais depuis qu’en ces murs nous le voyons paraître. Il semble qu’en secret un sentiment jaloux Ait altéré son cœur, et l’éloigne de vous.

Cassandre, À part.

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Et qu’importe Antigone !… Ô mânes d’Alexandre !
Mânes de Statira ! Grande ombre ! Auguste cendre !
Restes d’un demi-dieu, justement courroucés,
Mes remords et mes feux vous vengent-ils assez ?
Olympie, obtenez de leur ombre apaisée
Cette paix à mon cœur si longtemps refusée ;
Et que votre vertu, dissipant mon effroi,
Soit ici ma défense, et parle aux dieux pour moi…
Eh quoi ! Vers ces parvis, à peine ouverts encore,
Antigone s’approche et devance l’aurore !