Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/148

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Olympie

Oserai-je encor dire
Que votre asile obscur est le trône où j’aspire ?
Vous m’y verrez soumise, et foulant à vos pieds
Ces trônes malheureux, pour vous seule oubliés.
Alexandre mon père, enfermé dans la tombe,
Veut-il que de nos mains son ennemi succombe ?
Laissons-là tous ces rois, dans l’horreur des combats.
Se punir l’un par l’autre, et venger son trépas ;
Mais nous, de tant de maux victimes innocentes,
A leurs bras forcenés joignant nos mains tremblantes,
Faudra-t-il nous charger d’un meurtre infructueux ?
Les larmes sont pour nous, les crimes sont pour eux.


Statira

Des larmes ! Et pour qui les vois-je ici répandre ?
Dieux ! M’avez-vous rendu la fille d’Alexandre ?
Est-ce elle que j’entends ?


Olympie

Ma mère…


Statira

Ô ciel vengeur !


Olympie

Cassandre !


Statira

Explique-toi ; tu me glaces d’horreur.
Parle.


Olympie

Je ne le puis.

Statira

Va, tu m’arraches l’âme,
Finis ce trouble affreux ; parle, dis-je.


Olympie

Ah ! Madame,
Je sens trop de quels coups je viens de vous frapper ;
Mais je vous chéris trop pour vouloir vous tromper.
Prête à me séparer d’un époux si coupable,
Je le fuis… mais je l’aime.


Statira

Ô parole exécrable !
Dernier de mes moments ! Cruelle fille, hélas !
Puisque tu peux l’aimer, tu ne le fuiras pas.
Tu l’aimes ! Tu trahis Alexandre et ta mère !