Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/22

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Compère, aux grands les nôtres appartiennent.
Que ton esprit est bas, lourd et brutal !
Tu n’as pas lu le code féodal.

MATHURIN.

Féodal ! qu’est-ce ?

LE BAILLIF,

Féodal ! qu’est-ce ?Il tient son origine
Du mot fides de la langue latine :
C’est comme qui dirait…

MATHURIN.

C’est comme qui dirait…Sais-tu qu’avec
Ton vieux latin et ton ennuyeux grec,
si tu me dis des sottises pareilles,
Je pourrais bien frotter tes deux oreilles ?


(Il menace le baillif, qui parle toujours en reculant ; et Mathurin court après lui.)

LE BAILLIF.

Je suis baillif, ne t’en avise pas.
Fides veut dire foi. Conviens-tu pas
Que tu dois foi, que tu dois plein hommage
À monseigneur le marquis du Carrage ?
Que tu lui dois dîmes, champart, argent ?
Que tu lui dois…

MATHURIN.

Que tu lui dois…Baillif outrecuidant,
Oui, je dois tout ; j’en enrage dans l’âme :
Mais, palsandié, je ne dois point ma femme,
Maudit baillif !

LE BAILLIF, en s’en allant.

Maudit baillif !Va, nous savons la loi ; Nous aurons bien ta femme ici sans toi.


Scène II.

MATHURIN.

Chien de baillif ! que ton latin m’irrite !
Ah ! sans latin marions-nous bien vite ;
Parlons au père, à la fille surtout ;
Car ce que je veux, moi, j’en viens à bout.