Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’époux est riche, et sa maîtresse est sage :
C’est un bonheur bien digne de mes vœux,
En arrivant, de faire deux heureux.

LE CHEVALIER.

Acanthe encore en peut faire un troisième.

LE MARQUIS.

Je vous reconnais là, toujours vous-même.
Mon cher parent, vous m’avez fait cent fois
Trembler pour vous, par vos galants exploits.
Tout peut passer dans des villes de guerre ;
Mais nous devons l’exemple dans ma terre.

LE CHEVALIER.

L’exemple du plaisir, apparemment ?

LE MARQUIS.

Au moins, mon cher, que ce soit prudemment ;
Daignez en croire un parent qui vous aime.
Si vous n’avez du respect pour vous-même,
Quelque grand nom que vous puissiez porter,
Vous ne pourrez vous faire respecter.
Je ne suis pas difficile et sévère ;
Mais, entre nous, songez que votre père,
Pour avoir pris le train que vous prenez,
Se vit au rang des plus infortunés,
Perdit ses biens, languit dans la misère,
Fit de douleur expirer votre mère,
Et près d’ici mourut assassiné.
J’étais enfant ; son sort infortuné
Fut à mon cœur une leçon terrible,
Qui se grava dans mon âme sensible ;
Utilement témoin de ses malheurs,
Je m’instruisais en répandant des pleurs.
Si, comme moi, cette fin déplorable
Vous eût frappé, vous seriez raisonnable.

LE CHEVALIER.

Oui, je veux l’être un jour, c’est mon dessein ;
J’y pense quelquefois ; mais c’est en vain ;
Mon feu m’emporte.

LE MARQUIS.

Mon feu m’emporte. Eh bien ! je vous présage
Que vous serez las du libertinage.

LE CHEVALIER.

Je le voudrais ; mais on fait comme on peut :