Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/526

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Fidèles à leur culte ainsi qu’à l’empereur.

IRADAN

Au bruit de vos dangers ils mourront de douleur ;
Apprenez-moi leur nom.

ARZAME

J’ai gardé le silence
Quand de mes oppresseurs la barbare insolence
Voulait que mes parents leur fussent décelés ;
Mon cœur fermé pour eux s’ouvre quand vous parlez :
Mon père est Arzémon : ma mère infortunée
Quand j’étais au berceau finit sa destinée ;
A peine je l’ai vue ; et tout ce qu’on m’a dit,
C’est qu’un chagrin mortel accablait son esprit ;
Le ciel permet encor que le mien s’en souvienne :
Elle mouillait de pleurs et sa couche et la mienne.
Je naquis pour la peine et pour l’affliction.
Mon père m’éleva dans sa religion,
Je n’en connus point d’autre ; elle est simple, elle est pure ;
C’est un présent divin des mains de la nature.
Je meurs pour elle.

IRADAN

Ô ciel ! Ô dieux qui l’écoutez,
Sur cette âme si belle étendez vos bontés !
Mais parlez, votre père est-il dans Apamée ?

ARZAME

Non, seigneur, de César il a suivi l’armée :
Il apporte en son camp les fruits de ses jardins,
Qu’avec lui quelquefois j’arrosai de mes mains :
Nos mœurs, vous le voyez, sont simples et rustiques

IRADAN

Reste de l’âge d’or et des vertus antiques,
Que n’ai-je ainsi vécu ! Que tout ce que j’entends
Porte au fond de mon cœur des traits intéressants !
Vivez, ô noble objet ! Ce cœur vous en conjure.
J’en atteste cet astre et sa lumière pure,
Lui par qui je vous vois et que vous révérez ;
S’il est sacré pour vous, vos jours sont plus sacrés,
Et je perdrai ma place avant qu’en sa furie
La main du fanatisme attente à votre vie…