Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/551

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MÉGATISE

Permettez qu’un moment ma voix soit entendue
C’est moi qui dois mourir, c’est moi qui l’ai porté,
Par un avis trompeur, à tant de cruauté…
Seigneur, je vous ai vu, dans ce séjour du crime,
Aux tyrans assemblés promettre la victime ;
Je l’ai vu, je l’ai dit : aurais-je dû penser
Que vous la promettiez pour les mieux abuser ?
Je suis Guèbre et grossier, j’ai trop cru l’apparence.
Je l’ai trop bien instruit ; il en a pris vengeance.
La faute en est à vous, vous qui la protégez.
Votre frère est vivant ; pesez tout, et jugez.

CÉSÈNE

Va, dans ce jour de sang, je juge que nous sommes
Les plus infortunés de la race des hommes…
Va, fille trop fatale à ma triste maison,
Objet de tant d’horreur, de tant de trahison,
Je ne me repens point de t’avoir protégée.
Le traître expirera ; mais mon âme affligée
N’en est pas moins sensible à ton cruel destin.
Mes pleurs coulent sur toi, mais ils coulent en vain.
Tu mourras ; aux tyrans rien ne peut te soustraire ;
Mais je te pleure encore en punissant ton frère.
 Aux soldats.
Revolons près du mien, secondons les secours
Qui raniment encor ses déplorables jours.


Scène V


ARZAME

Dans sa juste colère il me plaint, il me pleure !
Tu vas mourir, mon frère, il est temps que je meure,
Ou par l’arrêt sanglant de mes persécuteurs,
Ou par mes propres mains, ou par tant de douleurs…
Ô mort ! ô destinée ! ô dieu de la lumière !
Créateur incréé de la nature entière,
Être immense et parfait, seul être de bonté,
As-tu fait les humains pour la calamité ?
Quel pouvoir exécrable infecta ton ouvrage !
La nature est ta fille, et l’homme est ton image.