Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/554

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N’est-ce pas Iradan, que, pendant son voyage,
L’empereur a nommé pour garder ce passage ?

MÉGATISE

C’est lui-même, il est vrai ; mais crains de t’arrêter :
Hélas ! Il est bien loin de pouvoir t’écouter.

LE VIEIL ARZÉMON

Il me refuserait une simple audience ?

MÉGATISE, en pleurant.

Oui.

LE VIEIL ARZÉMON

Sais-tu que César m’admet en sa présence,
Qu’il daigne me parler ?

MÉGATISE

À toi ?

LE VIEIL ARZÉMON

Les plus grands rois
Vers les derniers humains s’abaissent quelquefois.
Ils redoutent des grands le séduisant langage,
Leur bassesse orgueilleuse, et leur trompeur hommage ;
Mais, oubliant pour nous leur sombre majesté,
Ils aiment à sourire à la simplicité.
Il reçoit de ma main les fruits de ma culture,
Doux présents dont mon art embellit la nature.
Ce gouverneur superbe a-t-il la dureté
De rejeter l’hommage à ses mains présenté ?

MÉGATISE

Quoi ! Tu ne sais donc pas ce fatal homicide,
Ce meurtre affreux ?

LE VIEIL ARZÉMON

Je sais qu’ici tout m’intimide,
Que l’inhumanité, la persécution,
Menacent mes enfants et ma religion.
C’est ce que tu m’as dit, et c’est ce qui m’oblige
À voir cet Iradan… son intérêt l’exige.

MÉGATISE

Va, fuis ; n’augmente point, par tes soins obstinés,
La foule des mourants et des infortunés.

LE VIEIL ARZÉMON

Quel discours effroyable ! explique-toi.

MÉGATISE

Mon maître,
Mon chef, mon protecteur, est expirant peut-être.