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578 LE BARON D’ORANTE.

D’un seigneur tel que vous c’est l’unique destin.

LE BARON.

Ah ! que je m’ennuie ! Je n’ai point encore eu de plaisir ce matin.

   (On habille monseigneur.)

LE CONSEILLER

C’est aujourd’hui le jour où le ciel a fait naître Dans ce fameux château notre adorable maître. Nous célébrons ce jour par des jeux bien brillants…

LE BARON.

Et quel âge ai-je donc ?

LE CONSEILLER.

Vous avez dix-huit ans.

LE BARON.

Ah ! me voilà majeur !

LE CONSEILLER.

Les barons à cet âge De leur majorité font le plus noble usage ; Ils ont tous de l’esprit, ils sont pleins de bon sens ; Ils font, quand il leur plaît, la guerre aux musulmans. Rançonnent leurs vassaux à leurs ordres tremblants ; Vident leurs coffres-forts, ou coupent leurs oreilles ; Ils n’entreprennent rien dont on ne vienne à bout. Ils font tout d’un seul mot, bien souvent rien du tout ; Et quand ils sont oisifs ils font toujours merveilles.

LE BARON.

On me l’a toujours dit : je fus bien élevé. Or çà, répondez-moi, mon conseiller privé : Ai-je beaucoup d’argent ?

LE CONSEILLER.

Fort peu ; mais on peut prendre Celui de vos fermiers, et même sans le rendre :

LE BARON.

Et des soldats ?

LE CONSEILLER.

Pas un ; mais en disant deux mots Tous les manants d’ici deviendront des héros.

LE BARON.

Ai-je quelque galère ?

LE CONSEILLER.

Oui, seigneur ; Votre Altesse A des bois, une rade, et quand elle voudra