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164 AVERTISSEMENT.

primées par un libraire parisien noininé Valade, sur une copie fautive et falsifiée. Vahuie tenait cette copie de Marin, secrétaire général et censeur royal sous M. de Sartines. Voltaire fut obligé de désavouer publi(iuenient cette édition. La tragédie ainsi divulguée, les comédiens ne mirent aucun empressement à la transporter sur la scène, et, en fin de compte, ne la jouè- rent point.

« 11 semble, dit Laliarpe. (|ue Voltaire, dans les Lois de Minos, ait voulu revenir au sujet (|u’il avait manqué dans les Guèbres, et consacrer à la tolérance civile une seconde tragédie… La scène est en Crète, sous le règne de Teucer, successeur de Minos ; celui-ci, législateur de Crète, a établi la coutume d’immoler tous les sept ans une jeune captive aux mânes des héros Cretois. C’est en conséquence de cette loi, regardée comme inviolable. qu’Astérie, faite prisonnière dans la guerre que les Oétois ont contre les Cydoniens, doit être sacrifu’e dans le temple de Gortine. Les Cydoniens sont des peuples du nord de la Crète, encore sauvages, tandis que ceux de Minos sont civilisés ; et il entre dans le dessein de l’auteur d’opposer les vertus naturelles de ces Cydoniens, simples et grossiers, aux mœurs superstitieuses et cruelles des Cretois policés. Teucer les abhorre, ces mœurs ; il pense en vrai sage ; il voudrait abolir des lois inhumaines et sauver Astérie, ^[ais son pouvoir est limité par les archontes, et subordonné ; à la loi de l’État.

« Pendant ce conflit d’autorité, il arrive qu’Astérie est reconnue pour la fille de Teucer, qui avait été enlevée par les Cydoniens emourrie chez eux. C’est précisément la fable des Guèhres. La même méprise que nous y avons vue n’est pas mieux placée dans les Lois de Minos. Datame, jeune Cydonien, amant d’Astérie et qui vient pour payer sa rançon, la voit conduire par des soldats qui sont ceux à qui Teucer a confié le soin de la défendre. Il se persuade tout le contraire, il prend les défenseurs d’Astérie pour ses bourreaux, et se jette avec toute sa suite sur les gardes de Teucer et sur ce prince lui-même. Le dénomment, au lieu d’être amené par l’autorité suprême, comme dans les Gaèbres, est amené par la force, mais nullement motivé. Teucer, dont le pouvoir semblait jusque-lii restreint dans des bornes si étroites, se trouve tout à coup maître absolu. C’est l’armée qui a fait cette révolution ; mais il fallait la préparer et la fonder. Teucer brûle le temple de Crète, et abolit les sacrifices humains ; le grand-prêtre est tué, comme dans les Guèbres., et Datame, le soldat cydonien, épouse la fille du roi. « 

Ce qu’on remarque le plus dans cette pièce et dans presque toutes celles du même temps, c’est l’esprit philosophique de l’auteur, devenu celui de tous les personnages. Ce sont, en réalité, plutôt des thèses sous forme dramatique que de véritables pièces de théâtre.