Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VU) AVERTISSEiMENT.

Le 14 eut lieu la répétition générale devant M""-’ Denis, à défaut de Voltaire encore souffrant. La première rej)présentation était fixée pour le sur lendemain. Voltaire avait eu, relativement aux affiches qui devaient annoncer cette représentation, une idée qui était singulièrement en avance sur le temps à venir. Il eût voulu qu’on affichât : Le Théâtre-Français donnera, au lieu de : les Comédiens oj’ditiaires du roi donneront. Il écrivait k Mole le 11 mars : « Un mourant qxii aime passionnément sa patrie consulte M. IMolé pour savoir s’il ne conviendrait pas de mettre sur les affiches : Le Théâlre- Franrnis donnera un tel jour, etc. N’est-il pas honteux que le premier théâtre de l’Europe, et le seul qui fasse honneur à la France, soit au-dessous du spectacle bizarre et étranger de l’Opéra ? On attend pour Irène une décoration qui contienne un salon avec de grandes arcades à travers desquelles on voie la mer et des tours. » MoIé lui fut dépêché pour lui dire que ce changement ne dépendait pas de leur volonté ; mais il ne put voir le malade. On a peine à croire, du reste, que le poëte pût se faire illusion sur la possibilité d’une réforme qui eût paru blessante pour le roi. Les Comédiens ne cessèrent, à quatorze ans de là, d’être les comédiens ordinaires du roi que pour devenir les Comédiens du théâtre de la Nation ; puis les Comédiens ordinaires de l’empereur, puis du roi encore, et ce n’est qu’en 1830, croyons nous, que la formule fut changée.

La première représentation fut très-brillante. Irène fut donnée avec le Tuteur, petite comédie de Dancourt. Tout ce que Paris comptait de plus illustre s’était donné rendez-vous à la Comédie. La reine Marie-Antoinette, le comte d’Artois, le duc et la duchesse de Bourbon, y assistaient. Il ne s’agissait pas de juger la pièce, mais de rendre hommage au grand homme du siècle. « Le public a très-bien fait son devoir, dit Laharpe ; il a applaudi toutes les traces de talent qui s’offraient dans cet ouvrage, où l’on voit une belle nature affaiblie, et a gardé dans tout le reste un silence de respect, à quelques murmures près qui ont été assez légers. La cabale des Gilbert, des Clément, des Fréron, était contenue parla foule des honnêtes gens qui remplissaient le parterre, devenu ce jour-là le rendez-vous de la bonne compagnie, qui s’était fait un devoir de défendre la vieillesse contre les outrages de l’envie *. »

À la deuxième représentation, le parterre demanda des nouvelles de l’auteur. Monvel, qui faisait le personnage de Nicéphore, répondit : « La santé de M. de Voltaire n’est pas aussi bonne que nous le désirerions pour vos plaisirs et pour notre intérêt. » Cependant le poëte se rétablissait une fois encore. Le 19 mars, l’Académie lui envoya une députation pour le féliciter du succès d’/rè ; te. Voltaire sollicita la permission de dédier sa pièce à la célèbre assemblée. Il lui soumit son épître ; elle fut lue ; on demanda à l’auteur quelques légères modifications qu’il s’empressa d’exécuter, après quoi la dédicace fut approuvée et acceptée avec reconnaissance.

Aussitôt remis sur pied, l’auteur dIrène fut de nouveau occupé de sa pièce ; il en redemanda au.souffleur le manuscrit entre la troisième et la

1. Correspondance littéraire, Paris, Migneret, 1801, tome II, p, 208.