Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/556

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’amour, parro (|uo j’ai éli’hoiiiToau d’arL^cMit, parce que je suis dans la misère, parce que mon frère, ipii uai^e dans le Pactole, va passer ici. parce que je l’attends, parce que j’enrai^e, parce que je suis au désespoir.

MARAUDIN.

Voilà de très-bonnes raisons. Allez, allez, consolez-vous ; Dieu a soin (ies cadets. Il faudra bien que votre frère jette sur vous quelques regards de compassion. C’est moi qui le marié, et je veux (|u’il y ait un pot-de-vin pour vous dans ce marché. Ouand quelqu’un épouse la fillle du baron de la Cochonnière, il faut (pie tout le monde y gagne.

LE CHEVALIER.

Eli ! scélérat ! (jue ne me la faisais-tu épouser ? J’y aurais gagné bien davantage.

M A R A U D I N.

D’accord, llélasl je crois que M"« de la Cochonnière vous aurait épousé tout aussi volontiers que monsieur le comte. Elle ne demande qu’un mari ; elle ne sait pas seulement si elle est riche. C’est une créature élevée dans toute la grossière rusticité de monsieur son père. Ils sont nés avec peu de bien. Un frère de la baronne, intéressé et imbécile, qui ne savait pas parler, mais qui savait calculer, a gagné à Paris cinq cent mille francs dont il n’a jamais joui, il est mort précisément comme il allait devenir insolent. La baronne est morte de l’ennui de vivre avec le baron, et la fille, à qui tout ce bien-là appartient, ne peut être [mariée par son vilain père qu’à un homme excessivement riche. Jugez s’il vous l’aurait donnée, à vous qui venez de manger votre légitime.

LE CHEVALIER.

Enfin, tu as procuré ce parti à monsieur le comte, t’est fort bien fait, que t’en revient-il ?

MARAuDIN.

Ah ! il me traite indignement ; il s’imagine que son mérite tout seul a fait ce mariage, et son avarice venant à l’appui de sa vanité, il me paye fort mal i)our l’avoir trop bien servi. J’en demande pardon à monsieur son frère, mais monsieur le comte est pres(pie aussi avare que fat ; vous n’êtes ni l’un ni l’autre, et si vous aviez son bien, vous feriez…

LE CHEVALIER.

Oh ! oui, je ferais de très-belles choses ; mais n’ayant rien, je ne puis ; rien faire que me désespérer et te prier de… (on entend à l’extérieur un bruii de voiture, de fouet et de grelots.) Ah ! j’entends Un bruit extravagant dans cette hôtellerie ; je vois arriver des chevaux, des chaises, des postillons en argent et des laquais en or : c’est mon frère, sans doute. Quel brillant équipage ! et quelle différence la fortune met entre les hommes ! Ses valets vont bien me mépriser !

MARAuDIN, passant À l’extrême gauche *.

C’est selon que monsieur vous traitera. Les valets ne sont pas d’une autre espèce que les courtisans ; ils sont les singes de leur maître.

1. Maraudhi, le chevalier au fond, Pasquin à droite.