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Traité ſur la Tolérance. Chap. XII.

Ils appuyent leur ſentiment ſur ce qu’il n’eſt parlé d’aucun acte religieux du Peuple dans le Déſert : point de Pâque célébrée, point de Pentecôte ; nulle men-

    voulait tranſmettre à la poſtérité, & non pas des hiſtoires détaillées ; qu’il n’était pas poſſible de graver de gros livres dans un déſert où l’on changeait ſi ſouvent de demeure, où l’on n’avait perſonne qui pût ni fournir des vêtements, ni les tailler, ni même raccommoder les ſandales, & où Dieu fut obligé de faire un miracle de quarante années pour conſerver les vêtements & les chauſſures de ſon Peuple. Ils diſent qu’il n’eſt pas vraiſemblable qu’on eût tant de Graveurs de caractères, lorſqu’on manquait des Arts les plus néceſſaires, & qu’on ne pouvait même faire du pain : & ſi on leur dit que les colonnes du Tabernacle étaient d’airain, & les chapiteaux d’argent maſſif, ils répondent que l’ordre a pu en être donné dans le Déſert, mais qu’il ne fut exécuté que dans des temps plus heureux.

    Ils ne peuvent concevoir que ce Peuple pauvre ait demandé un veau d’or maſſif pour l’adorer au pied de la montagne même où Dieu parlait à Moïſe, au milieu des foudres & des éclairs que ce Peuple voyait, & au ſon de la trompette céleſte qu’il entendait. Ils s’étonnent que la veille du jour même où Moïſe deſcendit de la montagne, tout ce Peuple ſe ſoit adreſſé au frère de Moïſe pour avoir un veau d’or maſſif. Comment Aaron le jetta-t-il en fonte en un ſeul jour ? Comment enſuite Moïſe le réduiſit-il en poudre ? Ils diſent qu’il eſt impoſſible à tout Artiſte de faire en moins de trois mois une ſtatue d’or, & que pour la réduire en poudre qu’on puiſſe avaler, l’art de la chymie la plus ſavante ne ſuffit pas ; ainſi, la prévarication d’Aaron, & l’opération de Moïſe auraient été deux miracles.