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Traité ſur la Tolérance. Chap. XIX.

CHAPITRE XIX.
Relation d’une diſpute de controverſe à la Chine.


DAns les premières années du règne du grand Empereur Kam-hi, un Mandarin de la Ville de Kanton entendit de ſa maiſon un grand bruit qu’on faiſait dans la maiſon voiſine ; il s’informa ſi l’on ne tuait perſonne ; on lui dit que c’était l’Aumônier de la Compagnie Danoiſe, un Chapelain de Batavia, & un Jéſuite qui diſputaient : il les fit venir, leur fit ſervir du thé & des confitures, & leur demanda pourquoi ils ſe querellaient.

Ce Jéſuite lui répondit qu’il était bien douloureux pour lui, qui avait toujours raiſon, d’avoir affaire à des gens qui avaient toujours tort ; que d’abord il avait argumenté avec la plus grande retenue, mais qu’enfin la patience lui avait échappé.

Le Mandarin leur fit ſentir, avec toute la diſcrétion poſſible, combien la politeſſe eſt néceſſaire dans la diſpute, leur dit qu’on ne ſe fâchait jamais à la Chine, & leur demanda de quoi il s’agiſſait.

Le Jéſuite lui répondit : Monſeigneur, je vous en fais juge ; ces deux Meſſieurs refuſent de ſe ſoumettre aux déciſions du Concile de Trente.