Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
Traité ſur la Tolérance. Chap. XX.

Seigneurs féodaux, à leurs femmes imbécilles, & aux brutes, leurs vaſſaux : on leur faiſait croire que St. Chriſtophe avait porté l’enfant Jésus du bord d’une rivière à l’autre ; on les repaiſſait d’hiſtoires de Sorciers et de poſſédés : ils imaginaient aiſément que St. Genou guériſſait de la goutte, & que Ste. Claire guériſſait les yeux malades. Les enfants croyaient au loup-garou, & les pères au cordon de St. François. Le nombre des Reliques était innombrable.

La rouille de tant de ſuperſtitions a ſubſiſté encore quelque temps chez les Peuples, lors même qu’enfin la Religion fut épurée. On ſait que quand Mr. de Noailles, Évêque de Châlons, fit enlever & jeter au feu la prétendue Relique du ſaint nombril de Jésus-Christ, toute la ville de Châlons lui fit un procès ; mais il eut autant de courage que de piété, & il parvint bientôt à faire croire aux Champenois qu’on pouvait adorer Jésus-Christ en eſprit & en vérité, ſans avoir ſon nombril dans une Égliſe.

Ceux qu’on appelait Janſéniſtes, ne contribuèrent pas peu à déraciner inſenſiblement dans l’eſprit de la Nation, la plupart des fauſſes idées qui déshonoraient la Religion Chrétienne. On ceſſa de croire qu’il ſuffiſait de réciter l’Oraiſon de trente jours à la Vierge Marie, pour obtenir tout ce qu’on voulait, & pour pécher impunément.