Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
Traité ſur la Tolérance. Chap. XXV.

beau dire qu’ils ont vu un vieillard infirme ſaiſir au collet un jeune homme vigoureux, & le jetter par une fenêtre à quarante pas : il eſt clair qu’il faudrait mettre ces quatre témoins aux petites maiſons.

Or, les huit Juges de Toulouſe ont condamné Jean Calas ſur une accuſation beaucoup plus improbable ; car il n’y a point eu de témoin oculaire, qui ait dit avoir vu un vieillard infirme, de ſoixante & huit ans, pendre tout ſeul un jeune homme de vingt-huit ans, extrêmement robuſte.

Des Fanatiques ont dit ſeulement que d’autres Fanatiques leur avaient dit qu’ils avaient entendu dire à d’autres Fanatiques, que Jean Calas, par une force ſurnaturelle, avait pendu ſon fils. On a donc rendu un jugement abſurde ſur des accuſations abſurdes.

Il n’y a d’autre remède à une telle Juriſprudence, ſinon que ceux qui achètent le droit de juger les hommes, faſſent dorénavant de meilleures études.

Cet Écrit ſur la Tolérance eſt une Requête que l’humanité préſente très-humblement au pouvoir & à la prudence. Je ſème un grain qui pourra un jour produire une moiſſon. Attendons tout du temps, de la