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Traité ſur la Tolérance. Chap. XXV.

, entre le Bourgeois même & le Cultivateur. Ils ignorent tous les bornes de leurs droits ; mais ils écoutent tous malgré eux à la longue ma voix qui parle à leur cœur. Moi ſeule je conſerve l’équité dans les Tribunaux, où tout ſerait livré ſans moi à l’indéciſion & aux caprices, au milieu d’un amas confus de Loix faites ſouvent au haſard, & pour un beſoin paſſager, différentes entre elles de Province en Province, de Ville en Ville, & preſque toujours contradictoires entre elles dans le même lieu. Seule je peux inſpirer la juſtice, quand les Loix n’inſpirent que la chicane : celui qui m’écoute, juge toujours bien ; & celui qui ne cherche qu’à concilier des opinions qui ſe contrediſent, eſt celui qui s’égare.

Il y a un édifice immenſe dont j’ai poſé le fondement de mes mains ; il était ſolide & ſimple, tous les hommes pouvaient y entrer en ſûreté ; ils ont voulu y ajouter les ornements les plus bizarres, les plus groſſiers & les plus inutiles ; le bâtiment tombe en ruine de tous les côtés ; les hommes en prennent les pierres, & ſe les jettent à la tête ; je leur crie : Arrêtez, écartez ces décombres funeſtes qui ſont votre ouvrage, & demeurez avec moi en paix dans l’édifice inébranlable qui eſt le mien.

FIN.