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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

étonnée d’y trouver de l’accueil, des ſecours & des larmes.

La raiſon l’emporte à Paris ſur le fanatiſme, quelque grand qu’il puiſſe être ; au-lieu qu’en Province ce fanatiſme l’emporte preſque toujours ſur la raiſon.

Mr. De Beaumont, célèbre Avocat du Parlement de Paris, prit d’abord ſa défenſe, & dreſſa une conſultation, qui fut ſignée de quinze Avocats. Mr. Loiſeau, non moins éloquent, compoſa un Mémoire en faveur de la famille. Mr. Mariette, Avocat au Conſeil, dreſſa une Requête juridique, qui portait la conviction dans tous les eſprits.

Ces trois généreux défenſeurs des Loix & de l’innocence abandonnèrent à la veuve le profit des éditions de leurs Plaidoyers.[1] Paris & l’Europe entière s’émurent de pitié, & demandèrent juſtice avec cette femme infortunée. L’arrêt fut prononcé par tout le Public longtemps avant qu’il pût être ſigné par le Conſeil.

La pitié pénétra juſqu’au Miniſtère, malgré le torrent continuel des affaires, qui ſouvent exclut la pitié, & malgré l’habitude de voir des malheureux, qui peut endurcir le cœur encore davantage. On rendit les filles à la mère : on les vit toutes trois cou-

  1. On les a contrefaits dans pluſieurs Villes, & la Dame Calas a perdu le fruit de cette généroſité.