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Traité ſur la Tolérance. Chap. IV.

pucins, des Prêtres ſéculiers envoyés du bout du monde dans ſes États : ils venaient prêcher la vérité, & ils s’anathématiſaient les uns les autres. L’Empereur ne fit donc que renvoyer des perturbateurs étrangers : mais avec quelle bonté les renvoya-t-il ? quels ſoins paternels n’eut-il pas d’eux pour leur voyage, & pour empêcher qu’on ne les inſultât ſur la route ? Leur banniſſement même fut un exemple de tolérance & d’humanité.

[1] Les Japonois étaient les plus tolérants de tous les hommes, douze Religions paiſibles étaient établies dans leur Empire : les Jéſuites vinrent faire la treizième ; mais bientôt n’en voulant pas ſouffrir d’autre, on fait ce qui en réſulta ; une guerre civile, non moins affreuſe que celles de la Ligue, déſola ce Pays. La Religion Chrétienne fut noyée enfin dans des flots de ſang. Les Japonois fermèrent leur Empire au reſte du monde, & ne nous regardèrent que comme des bêtes farouches, ſemblables à celles dont les Anglais ont purgé leur Iſle. C’eſt en vain que le Miniſtre Colbert, ſentant le beſoin que nous avions des Japonois, qui n’ont nul beſoin de nous, tenta d’établir un commerce avec leur Empire ; il les trouva inflexibles.

Ainſi donc notre Continent entier nous prouve qu’il ne faut ni annoncer ni exercer l’intolérance.

  1. Voyez Kempfer, & toutes les Relations du Japon.
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