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Traité ſur la Tolérance. Chap. IX.

l’hiſtoire du corbeau, des Centaures & des Satyres, on n’aurait rien eu à lui reprocher.

Quoi ! les Romains auraient ſouffert que l’infâme Antinoüs fût mis au rang des ſeconds Dieux, & ils auraient déchiré, livré aux bêtes tous ceux auxquels on n’aurait reproché que d’avoir paiſiblement adoré un juſte ! Quoi ! ils auraient reconnu un Dieu ſuprême,[1]un Dieu Souverain, maître de tous les Dieux

  1. Il n’y a qu’à ouvrir Virgile pour voir que les Romains reconnaiſſaient un Dieu ſuprême, Souverain de tous les êtres céleſtes.

    O ! quis res hominumque Deumque
    Æternis regis imperiis, & fulmine terres,
    O Pater, ô hominum divûmque æterna poteſtas, &c.

    Horace s’exprime bien plus fortement :

    Undè nil majus generatur ipſo,
    Nec viget quidquam ſimile, aut ſecundum.

    On ne chantait autre choſe que l’unité de Dieu dans les myſtères auxquels preſque tous les Romains étaient initiés. Voyez la belle Hymne d’Orphée ; liſez la Lettre de Maxime de Madaure à St. Auguſtin, dans laquelle il dit, qu’il n’y a que des imbécilles qui puiſſent ne pas reconnaître un Dieu Souverain. Longinien, étant Païen, écrit au même St. Auguſtin, que Dieu eſt unique, incompréhenſible, ineffable. Lactance lui-même, qu’on ne peut accuſer d’être trop indulgent, avoue dans ſon Livre V, que les Romains ſoumettent tous les Dieux au Dieu ſuprême : Illos ſubjicit & mancipat Deo. Tertullien même, dans ſon Apologétique, avoue que tout l’Empire reconnaiſſait un Dieu maître du monde, dont la puiſſance & la majeſté ſont