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Traité ſur la Tolérance. Chap. X.

ture que dans ceux de l’erreur ; j’aime mieux dépendre de la Loi naturelle que des inventions des hommes. D’autres ont le malheur d’aller encore plus loin ; ils voyent que l’impoſture leur a mis un frein, & ils ne veulent pas même du frein de la vérité ; ils penchent vers l’Athéiſme : on devient dépravé, parce que d’autres ont été fourbes & cruels.

Voilà certainement les conſéquences de toutes les fraudes pieuſes & de toutes les ſuperſtitions. Les hommes d’ordinaire ne raiſonnent qu’à demi ; c’eſt un très mauvais argument que de dire : Voraginé, l’auteur de la légende dorée, & le Jéſuite Ribadeneira, compilateur de la fleur des Saints, n’ont dit que des ſottiſes ; donc il n’y a point de Dieu : Les Catholiques ont égorgé un certain nombre d’Huguenots, & les Huguenots à leur tour ont aſſaſſiné un certain nombre de Catholiques ; donc il n’y a point de Dieu. On s’eſt ſervi de la Confeſſion, de la Communion & de tous les Sacrements, pour commettre les crimes les plus horribles ; donc il n’y a point de Dieu : Je conclurais au contraire, donc il y a un Dieu, qui après cette vie paſſagère, dans laquelle nous l’avons tant méconnu, & tant commis de crimes en ſon nom, daignera nous conſoler de tant d’horribles malheurs ; car à conſidérer les guerres de Religion, les quarante ſchiſmes des Papes, qui ont preſque tous été ſanglants,