Page:Volterra - Henri Poincaré l'oeuvre scientifique, l'oeuvre philosophique, 1914.djvu/244

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senter. C’est ainsi que si le système solaire, au lieu d’être isolé, se trouvait voisin d’étoiles grosses et nombreuses, dont l’attraction sur notre monde viendrait s’ajouter à celle du soleil, l’étude du mouvement de la terre deviendrait pratiquement impossible[1].

  1. À la question que nous indiquons ici s’en rattache une autre plus générale. La science que considère Poincaré est uniquement, remarquons-le, celle à laquelle on peut donner la forme mathématique. Et, dès lors, un problème préliminaire se pose. Pourquoi les mathématiques sont-elles applicables à l’étude des phénomènes physiques ? C’est là, évidemment, un fait ; mais comment s’explique ce fait ? Henri Poincaré a traité cette question dans un mémoire présenté au Congrès international de Physique, en 1900. La physique mathématique est possible, dit-il, parce qu’il y a dans la nature de l’unité, de la simplicité et de la continuité. Ces trois caractères se manifestent dans les phénomènes que nous réussissons à observer. La croyance nait alors en nous qu’ils se retrouveront également dans les phénomènes non encore observés ; et c’est sur cette croyance qu’est fondée notre science. — Pour mieux comprendre la pensée d’Henri Poincaré sur ce point, nous pouvons la rapprocher de la remarquable théorie du hasard qu’il a exposée en 1907 (Revue du Mois, mars 1907, et La Valeur de la Science, chap. IV). L’homme attribue au hasard les événements qui sont produits par des causes très petites ou très complexes. Mais comment se fait-il que le hasard ait des lois ? Il n’y a pour cela aucune raison a priori. Si nous pouvons construire une science du hasard et l’étudier par le calcul, c’est parce que nous commençons par admettre que la probabilité d’un événement déterminé est une fonction continue de cet événement, et que, par conséquent, si l’événement varie très peu, sa probabilité varie également très peu ; deux événements très voisins l’un de l’autre sont à très peu de chose près également probables. Ainsi, ici encore, c’est la croyance à la continuité des phénomènes qui est à la base de la théorie édifiée par les savants ; et cette croyance est fondée sur l’expérience, quoiqu’elle ne soit pas prouvée par elle.