Page:Voragine - Légende dorée.djvu/201

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et laissés par eux, avaient corrompu l’air de leur pourriture, et ainsi s’était produite une peste si meurtrière que l’on croyait voir des flèches tombant du ciel et tuant les Romains. La première victime de cette peste fut le pape Pelage ; après quoi, le mal prit une telle extension que, par la mort des habitants, il vida un très grand nombre des maisons de Rome. Mais comme l’Église de Dieu ne pouvait rester sans chef, le peuple entier élut pour pape Grégoire, bien que celui-ci s’en défendît de toutes ses forces. Le jour où il devait être consacré, il parla au peuple, organisa une procession et des litanies, et exhorta les fidèles à prier Dieu avec plus de ferveur. Et pendant que le peuple, rassemblé autour de lui, priait, la peste fit périr, en moins d’une heure, quatre-vingt-dix personnes, parmi les auditeurs ; mais Grégoire n’en continua pas moins à prêcher, exhortant le peuple à ne se relâcher de sa prière que quand la peste aurait disparu. Puis, la procession achevée, il voulut s’enfuir de Rome, pour empêcher qu’on le consacrât comme pape. Mais il ne le put, car les portes étaient gardées jour et nuit afin qu’il ne pût sortir. Il obtint enfin de certains marchands d’être transporté hors de la ville dans un tonneau ; et, se réfugiant dans une caverne, au fond des bois, il y resta caché pendant trois jours. Mais les hommes envoyés à sa recherche aperçurent une colonne lumineuse qui descendait du ciel jusque sur l’endroit où il était caché ; et un moine reconnut, dans cette colonne, des anges qui montaient et descendaient. Aussitôt Grégoire fut pris et traîné à Rome par le peuple tout entier, et consacré en qualité de souverain pontife.

La peste continuant à sévir, il ordonna que, le jour de Pâques, on promenât en procession, autour de la ville, l’image de la sainte Vierge que possède l’église de Sainte-Marie Majeure, et qui fut peinte, dit-on, par saint Luc, aussi habile dans l’art de la peinture que dans celui de la médecine. Et aussitôt l’image sacrée dissipa l’infection de l’air, comme si la peste ne pouvait supporter sa présence ; partout où passait l’image, l’air devenait pur et vivifiant. Et l’on raconte que, autour de