Page:Voragine - Légende dorée.djvu/219

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fit un signe de croix, et aussitôt l’oiseau disparut. Un autre jour encore, le diable lui remit devant les yeux l’image d’une femme qu’il avait vue jadis, et alluma dans sa chair une telle convoitise que peu s’en fallut que Benoît, vaincu par la volupté, n’abandonnât sa solitude. Mais soudain, revenant à lui, il se mit à nu, se roula dans les épines et les ronces qui entouraient sa cellule, se déchira tout le corps, et fit sortir la plaie de son âme par les plaies de sa peau ; et ainsi il vainquit le péché. Et, depuis ce temps, jamais plus il ne connut la tentation charnelle.

Cependant sa renommée se répandait aux alentours. Et lorsque mourut l’abbé d’un monastère voisin, tous les moines vinrent le trouver pour le prier de se mettre à leur tête. Longtemps Benoît refusa, leur disant qu’il n’était point le chef qui leur convenait ; vu leurs mœurs. Mais il finit par consentir. Et, comme il appliquait la régie avec une grande rigueur, les moines se reprochèrent de l’avoir pris pour abbé. Un jour donc ils mêlèrent du poison à son vin, et le lui offrirent au moment où il allait se coucher. Mais Benoît fit le signe de la croix, et aussitôt le vase de verre se brisa, comme cassé par une pierre. Et Benoît ; comprenant que ce vase contenait un breuvage de mort, puisqu’il n’avait pu supporter le signé de la vie, se leva, avec un sourire tranquille, et dit : « Que Dieu tout-puissant vous pardonne, mes frères ! Mais ne vous l’avais-je pas dit, que vos mœurs et les miennes ne se convenaient pas ? » Et là-dessus il s’en retourna dans sa caverne, où sa sainteté s’affirma par de nombreux miracles. Les fidèles venaient à lui en si grande foule qu’il fonda douze monastères.

Dans un de ces monastères se trouvait un moine qui, pendant que ses frères priaient, sortait de la chapelle pour se livrer à des occupations temporelles. Informé de cette conduite par l’abbé du monastère ; Benoît vit que ce moine, à la chapelle, était entraîné dehors par un petit nain noir, qui le tirait par le pan de sa robe. Et il dit à l’abbé et à un moine nommé Maur : « Ne voyez-vous pas cet homme qui l’entraîne ? » Ils répondirent : « Non ! »