Page:Voragine - Légende dorée.djvu/226

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Benoît fit donner aux pauvres tout ce que l’on pouvait trouver, de telle sorte que rien ne resta plus au monastère, qu’un peu d’huile dans un vase de verre. Et cette huile aussi, saint Benoît ordonna au frère économe de la donner à un pauvre. Mais l’économe refusa d’obéir, afin que, du moins, cette huile restât pour les frères. Ce qu’apprenant, saint Benoît la fit jeter par la fenêtre, ne voulant point que quelque chose restât au monastère qui fût le produit de la désobéissance. Mais le vase eut beau tomber sur d’énormes rochers, il ne se brisa point, et pas une seule goutte d’huile ne se répandit. Saint Benoît fit alors reprendre le vase et le fit donner au pauvre. Et aussitôt un grand tonneau, qui était dans la cave du monastère, se remplit d’huile, à tel point que tout le pavé en fut inondé.

Saint Benoît était un jour allé voir sa sœur et avait dîné avec elle ; mais, malgré les supplications de sa sœur, il avait refusé de passer la nuit sous son toit. Et sa sœur pria Dieu avec force larmes, et aussitôt une pluie torrentielle succéda au beau temps, de façon qu’on ne pouvait songer à sortir, même pour faire un pas. Et saint Benoît, contristé, dit : « Dieu te pardonne, ma sœur, qu’as tu fait là ? » Et la sœur : « Je t’ai prié, et tu as refusé de m’entendre ; alors j’ai prié Dieu et il m’a entendue ! Il a changé mes larmes en pluie pour te forcer à rester près de moi. » Et, en effet, le saint passa la nuit près d’elle, et jusqu’au matin tous deux s’entretinrent des choses sacrées. Or, voici que, trois jours après, saint Benoît, dans sa cellule, vit l’Âme de sa sœur montant au ciel sous la forme d’une colombe. Il fit transporter son corps au monastère, et l’ensevelit dans le tombeau qu’il avait préparé pour elle.

Une nuit, saint Benoît, debout à la fenêtre de sa cellule, vit une grande lumière se substituer aux ténèbres. Et il aperçut, dans un rayon plus éclatant que tous ceux du soleil, l’âme de l’évêque de Capoue, Germain, qu’on emportait au ciel. Il comprit aussitôt que cette âme venait de quitter le corps de l’évêque ; et, en effet, saint Germain était mort en ce même instant.