Page:Voragine - Légende dorée.djvu/234

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accomplir l’ordre de mon maître. » Et Véronique : « Comme Jésus était toujours en route pour prêcher, et que sa présence me manquait fort, je me rendis un jour chez un peintre pour qu’il me fît son portrait, sur une toile que je lui portais. Or le Seigneur, m’ayant rencontrée, et ayant su où j’allais, appuya ma toile contre sa face, et je vis que son image s’y était gravée. Que si l’empereur ton maître regarde pieusement cette image, il sera aussitôt guéri. » Et Volusien : « Peut-on acquérir cette image pour de l’or ou de l’argent ? » Et Véronique : « Non, mais on peut en acquérir le bénéfice par une piété sincère. Je vais aller à Rome avec toi, je montrerai l’image à César, et puis je reviendrai ici ! » Ainsi fut fait, et Volusien dit à Tibère : « Ce Jésus que tu désirais voir a été injustement condamné et crucifié par Pilate et les Juifs. Mais j’ai amené avec moi une femme qui possède une image de Jésus, et qui dit que, si tu regardes cette image avec dévotion, tu recouvreras bientôt la santé. » Alors Tibère fit tendre tout le chemin d’étoffes de soie, et se fit présenter l’image et, dès qu’il l’eût regardée, il recouvra la santé.

Ponce Pilate fut alors conduit à Rome, et Tibère, furieux, ordonna qu’on le fît venir devant lui. Mais Pilate avait pris la précaution de revêtir la tunique sans couture de Notre-Seigneur : de telle sorte que Tibère, en le voyant, oublia toute sa fureur, et ne put s’empêcher de le traiter avec déférence. À peine l’eût-il congédié, que sa fureur le ressaisit de plus belle : mais, chaque fois qu’il le revoyait, sa fureur tombait, au grand étonnement de tous. Enfin, sur l’ordre de Dieu, et peut-être sur le conseil d’un chrétien, Tibère fit dépouiller Pilate de sa tunique, et, pouvant désormais s’abandonner à sa fureur contre lui, il le fit jeter en prison pour y attendre la mort honteuse qu’il lui réservait. Ce qu’apprenant, Pilate prit son couteau et se tua. Son cadavre fut attaché à une grosse pierre et lancé dans le Tibre ; mais les esprits malins et sordides s’emparèrent avec joie de ce corps malin et sordide ; tantôt le plongeant dans l’eau, tantôt le ravissant dans les airs, ils causaient d’innom-