Page:Voragine - Légende dorée.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’apprenant, Josèphe devina la cause véritable de la maladie, et s’ingénia à y trouver un remède, se fondant sur le principe que les contraires peuvent être guéris par leurs contraires. Or, Titus avait un esclave qui lui était si odieux qu’il ne pouvait, sans souffrir, le voir ni même entendre prononcer son nom. Josèphe dit donc à Titus : « Si tu veux être guéri, aie soin de saluer tous ceux que tu verras en ma compagnie ! » Titus s’engagea à le faire. Et aussitôt Josèphe fit préparer un festin où il se plaça en face de Titus, en faisant asseoir à sa droite l’esclave détesté. Et dès que Titus l’aperçut, il eut un frémissement d’aversion qui, aussitôt, réchauffa ses nerfs, refroidis par l’excès de joie, et le guérit de sa paralysie. Et, depuis lors, il rendit sa faveur à l’esclave et admit Josèphe dans son amitié. Telle est l’histoire ; mais je laisse au jugement du lecteur le soin de décider si une telle histoire valait même la peine d’être rapportée,

Le fait est que Jérusalem fut assiégée par Titus, pendant deux ans, et qu’entre autres maux, dont elle eut à souffrir au cours de ce siège, elle eut à souffrir une famine si affreuse que les parents arrachaient la nourriture non seulement des mains mais de la bouche même des enfants, et les enfants de la bouche des parents ; les plus vigoureux des jeunes gens erraient par les rues comme des fantômes et tombaient morts, épuisés de faim ; souvent ceux qui ensevelissaient les morts mouraient sur les cadavres, si bien qu’on finit par ne plus ensevelir les morts, et qu’on se borna à les précipiter en masse du haut des murs. Titus, voyant les fossés remplis de ces cadavres, leva les mains au ciel, pleura, et dit : « Seigneur, tu vois que ce n’est point moi qui les ai fait mourir ! » Et la famine était telle que les assiégés mangeaient leurs chaussures. Une femme noble et riche, voyant des pillards envahir et dépouiller sa maison, s’écria, tandis qu’elle élevait en l’air son enfant nouveau-né : « Fils plus infortuné d’une mère infortunée, pour quel destin te réserverais-je au milieu de tant de misères ? Viens, mon enfant, sois pour ta mère une nourriture, pour les pillards un scandale, pour les siècles un