Page:Voragine - Légende dorée.djvu/325

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ta volonté ? » L’esclave répondit : « Seigneur, je crois en toi ! » Et le diable : « Et renies-tu ton ancien maître le Christ ? » Et l’esclave : « Je le renie ! » Mais le diable lui dit : « C’est que vous autres, les chrétiens, vous êtes des perfides ! Quand vous avez besoin de moi, vous venez à moi ; et, quand ensuite vous avez obtenu ce que vous désiriez, aussitôt vous me reniez de nouveau pour vous retourner vers votre Christ, qui, avec son indulgence ordinaire, ne manque jamais à vous accueillir. Mais toi, si tu veux que j’accomplisse ton désir, tu auras à m’écrire de ta propre main un papier où tu reconnaîtras que tu renonces au Christ, au baptême, et à la foi chrétienne, pour devenir mon serviteur. » L’esclave écrivit aussitôt le papier et le donna au diable. Alors celui-ci manda devant lui ceux de ses démons qui étaient préposés à la luxure : il leur ordonna de s’approcher de la fille d’Héradius et de lui inspirer l’amour du jeune esclave. Et les démons y réussirent si bien que la jeune fille, se roulant à terre, suppliait son père d’une voix lamentable : « Aie pitié de moi, père, aie pitié de moi, car je souffre cruellement à cause de l’amour que j’éprouve pour un de nos esclaves ! Montre-moi ta tendresse paternelle, et permets-moi de m’unira ce jeune homme, que j’aime ! Et, si tu t’y refuses, bientôt tu me verras mourir, et tu en seras responsable au jour du jugement ! » Le père était désolé. Il disait : « Malheureux que je suis ! Qu’est-il arrivé à ma pauvre fille ? Qui m’a dérobé mon trésor ? Qui a éteint la douce lumière de mes yeux ? Ma fille, je voulais te donner pour femme à l’époux céleste, et j’espérais avoir ainsi mon salut grâce à toi ! Et toi, voici que la luxure amoureuse t’a rendue folle ! Permets-moi, ma chère fille, de t’unir au Seigneur suivant mon projet ! » Mais la jeune fille continuait à crier que, si son père n’accomplissait pas son désir, elle mourrait de chagrin. Et elle pleurait amèrement, et délirait, de telle sorte que son père, désespéré, sur le conseil de ses amis, céda à son désir et la maria avec l’esclave, après lui avoir légué tous ses biens. Mais bientôt des voisins dirent à la jeune femme que son mari n’entrait jamais à l’église, ne faisait