Page:Voragine - Légende dorée.djvu/366

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tenons le gouvernail de l’empire, et le pontife que voici préside à tout le troupeau de l’Église. Donne-nous donc ce papier, pour que nous sachions ce qui y est écrit ! » Et le pape voulut prendre le papier de la main du mort, qui aussitôt le lui abandonna. Lecture publique en fut faite devant la foule, parmi laquelle se trouvait Euphémien.

Aussitôt qu’il apprit la vérité, Euphémien fut si désespéré, qu’il perdit connaissance et s’affaissa sur le sol. Puis, revenant un peu à lui, il déchira ses vêtements, s’arracha les cheveux et la barbe ; et, se roulant sur le corps de son fils, il disait : « Hélas, mon fils, pourquoi m’as-tu tant affligé et laissé gémir pendant si longtemps ? » De son côté, la mère d’Alexis, les vêtements déchirés et les cheveux en désordre, levait les yeux au ciel, s’écriant : « Ô hommes, laissez-moi passer, pour que je voie mon fils, la consolation de mon âme, celui qui a sucé le lait de mes mamelles ! » Puis, parvenue auprès du corps, elle s’étendit sur lui en gémissant : « Hélas, mon fils, lumière de mes yeux, pourquoi as-tu si cruellement agi envers nous ? Tu nous voyais pleurer, ton père et moi, et tu ne te montrais pas à nous ! Les esclaves t’injuriaient et tu ne disais rien ! » Puis elle reprenait, en couvrant de baisers son angélique visage : « Pleurez tous avec moi, vous qui êtes ici : car, pendant dix-sept ans, je l’ai eu dans ma maison sans savoir que c’était mon fils ! » Et la femme d’Alexis, toute vêtue de deuil, accourut en pleurant, et dit : « Malheur à moi, qui désormais suis veuve, et n’ai plus personne sur qui lever les yeux ! » Et la foule, entendant ces discours, pleurait amèrement.

Alors le pontife et les empereurs placèrent le corps sur un dais somptueux, le firent conduire à travers la ville, et firent annoncer qu’on avait enfin trouvé l’homme de Dieu que tout le monde, jusque-là, avait cherché en vain. Et tout le monde accourait au-devant du saint. Et les malades qui touchaient son corps étaient aussitôt guéris, les aveugles recouvraient la vue, les possédés étaient affranchis de leur possession. Si bien que les deux empereurs, à la vue de tant de miracles, vou-