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la légende dorée

Christophe, tout heureux, le prit pour maître. Mais, comme il passait avec lui devant une croix, élevée au bord d’une route, le diable, épouvanté, s’enfuit, et fit un long détour afin d’éviter la croix. Ce que voyant, Christophe, étonné, lui en demanda la cause, le menaçant de le quitter s’il refusait de lui répondre. Alors le diable lui dit : « C’est qu’un homme appelé Christ a été attaché sur une croix, et, depuis lors, dès que je vois le signe de la croix, j’ai peur et je m’enfuis. » Et Christophe : « C’est donc que ce Christ est plus grand et plus puissant que toi ! Ainsi j’ai perdu mes peines, et n’ai pas encore trouvé le-plus grand prince du monde ! Je vais te dire adieu, pour me mettre en quête du Christ. »

Il chercha longtemps quelqu’un qui pût le renseigner. Enfin il rencontra un ermite qui lui dit : « Le maître que tu désires servir exige d’abord de toi que tu jeûnes souvent. » Et Christophe : « Qu’il exige de moi autre chose, car cette chose-là est au-dessus de mes forces ! » Et l’ermite : « Il exige que tu fasses de nombreuses prières. » Et Christophe : « Voilà encore une chose que je ne peux pas faire, car je ne sais pas même ce que c’est que prier ! » Alors l’ermite : « Connais-tu un fleuve qu’il y a dans ce pays, et qu’on ne peut traverser sans péril de mort ? » Et Christophe : « Je le connais. » Et l’ermite : « Grand et fort comme tu es, si tu demeurais près de ce fleuve, et si tu aidais les voyageurs à le traverser, cela serait très agréable au Christ que tu veux servir ; et peut-être consentirait-il à se montrer à toi. » Et Christophe : « Voilà enfin une chose que je puis faire ; et je te promets de la faire pour servir le Christ ! » Puis il se rendit sur la rive du fleuve, s’y construisit une cabane, et, se servant d’un tronc d’arbre en guise de bâton pour mieux marcher dans l’eau, il transportait d’une rive à l’autre tous ceux qui avaient à traverser le fleuve.

Beaucoup de temps s’étant écoulé ainsi, il dormait une nuit dans sa cabane, lorsqu’il entendit une voix d’enfant qui l’appelait et lui disait : « Christophe, viens et fais-moi traverser le fleuve ! » Aussitôt Christophe