Page:Voragine - Légende dorée.djvu/588

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de soin ; et toute la journée, sans rien manger, il s’occupait de lire et d’écrire. Il resta là pendant cinquante-cinq ans et six mois, entouré de nombreux disciples qui l’aidaient à traduire et à commenter les Saintes Écritures. Et l’on dit aussi qu’il resta chaste toute sa vie, bien que lui-même ait écrit dans une lettre à Pammaque : « Ma vertu préférée est la virginité, encore que je ne puisse pas me vanter de la posséder. » Enfin il arriva à un tel degré de faiblesse que, étendu sur sa couche, il se soulevait à l’aide d’une corde attachée au plafond, pour pouvoir assister aux offices de son monastère.

Un soir, pendant que Jérôme était assis avec ses frères pour écouter la lecture sainte, voici qu’un lion entra en boîtant dans le monastère. Aussitôt tous les frères s’enfuirent : seul Jérôme alla au-devant de lui comme au-devant d’un hôte, et, le lion lui ayant montré sa patte blessée, il appela des frères et leur ordonna de laver sa plaie et d’en prendre soin. Ainsi fut fait ; et le lion, guéri, habita parmi les frères comme un animal domestique. Sur quoi Jérôme, comprenant que ce lion leur avait été envoyé plus encore pour leur utilité que pour la guérison de sa patte, pris conseil avec ses frères et ordonna au lion de conduire au pâturage et de garder un âne qu’ils avaient, et qui leur servait à porter du bois. Et ainsi fut fait. Le lion se comportait en berger parfait, toujours prêt à protéger l’âne, et ne manquant jamais de le ramener au monastère à l’heure des repas. Mais un jour, comme le lion s’était endormi, des marchands avec des chameaux, qui passaient par là, virent un âne seul et s’empressèrent de le voler. Quand le lion, éveillé, s’aperçut de l’absence de son compagnon, il le chercha partout en rugissant ; puis n’ayant pu le retrouver, il revint tristement à la porte du monastère, mais, par honte, n’osa pas entrer. Or les frères, voyant qu’il arrivait en retard et sans l’âne, supposèrent que, forcé par la faim, il l’avait mangé. Ils refusèrent donc de lui donner sa ration, et lui dirent : « Va chercher le reste de l’âne, et fais-en ton dîner ! » Cependant comme ils hésitaient à croire qu’il se fût rendu coupable d’un tel acte, ils