Page:Voragine - Légende dorée.djvu/663

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elle y était entrée, elle fléchissait les genoux, ou s’étendait à plat sur les dalles, ou, sans savoir lire, prenait en main un psautier, de peur que quelqu’un ne vînt la déranger. Et dans ses jeux d’enfants, c’était en Dieu qu’elle mettait toutes ses espérances. De tout ce qu’elle gagnait ou qu’on lui donnait, elle réservait la dixième partie pour des petites filles pauvres, à qui elle recommandait, en même temps de saluer souvent d’une prière la Vierge Marie.

À mesure qu’elle grandissait en âge, elle grandissait plus encore en dévotion. Elle s’était choisi pour patronne la sainte Vierge, et avait prié saint Jean l’Évangéliste de se constituer le gardien de sa chasteté. Pour saint Pierre, aussi, elle avait une telle dévotion qu’elle ne refusait rien de ce qu’on lui demandait au nom de ce saint.

Craignant que les succès du monde né lui devinssent trop agréables ; elle s’ingéniait à s’en ôter toujours une partie. Quand elle gagnait à quelque jeu, elle s’arrêtait de jouer en se disant : « Je renonce au reste pour l’amour de Dieu ! » Dans les danses, après avoir fait un tour avec ses compagnes, elle leur disait : « Que cet unique tour nous suffise ! Renonçons aux autres pour l’amour de Dieu ! » Le luxe dans les vêtements lui était odieux. Elle s’était interdit, notamment, de mettre des gants, le dimanche, avant l’heure de midi. Elle s’était imposé un nombre déterminé de prières ; et lorsque les servantes la mettaient au lit avant qu’elle eût achevé de les réciter, elle se tenait éveillée pour aller jusqu’au bout. Et toujours elle s’astreignait à tout cela par des vœux solennels, de façon que personne, par persuasion, ne pût ensuite l’en détourner. Quant aux offices religieux, elle les suivait avec tant de révérence que, pendant la lecture de l’évangile et la consécration de l’hostie, elle ôtait ses manchettes et se dépouillait de tous ses ornements.

Ainsi elle vécut, sagement et innocemment, toute sa vie de jeune fille, jusqu’au jour où, sur l’ordre de son père, elle fut forcée d’entrer dans la vie de mariage. Elle se soumit, bien contre son gré, à l’union conjugale, non point pour y trouver du plaisir, mais pour ne point